Parmi toutes les sociétés civiles possibles, on parle rarement de la société civile d’exploitation agricole ou SCEA. Pourtant, celle-ci est particulièrement adaptée au monde agricole, puisqu’elle permet de gérer une exploitation et offre des avantages significatifs en termes de capital social ou d’organisation. À l’heure où le secteur est en proie à de nombreuses difficultés, bénéficier des atouts d’une structure aussi flexible peut s’avérer judicieux, surtout que la SCEA facilite le rapprochement entre agriculteurs et investisseurs.
Faisons un point rapide sur les atouts de la SCEA en abordant les caractéristiques de ce statut particulier.
Qu’est-ce qu’une société civile agricole ?
La SCEA est avant tout une société civile, à l’instar de la SCI (société civile immobilière). Elle se différencie donc des sociétés commerciales telles que la SAS ou la SARL. Comme son nom l’indique, son activité principale se concentre sur l’exploitation et/ou la gestion d’un patrimoine agricole ou forestier. Cette structure offre aussi la possibilité de gérer des terrains, qu’ils soient bâtis ou non.
L’un des avantages majeurs de ce statut reste sans aucun doute la souplesse de son régime, en particulier pour le capital social. En effet, pour la création d’une SCEA, il n’y a aucun montant minimum requis. Un simple euro symbolique suffit. Par ailleurs, le fonctionnement de la société peut prévoir un capital variable, ce qui offre une flexibilité appréciable pour la gestion de l’entreprise.
Notons tout de même que la constitution d’une SCEA nécessite au moins deux associés, sans limitation maximale. Ces derniers peuvent être :
- des personnes physiques (mineurs ou majeurs) ;
- des personnes morales ;
- des exploitants agricoles, ou non.
Contrairement à l’EARL (exploitation agricole à responsabilité limitée), la SCEA n’impose pas que les exploitants agricoles détiennent la majorité du capital social.
Côté apports, les associés disposent des options habituelles que sont l’apport en numéraire, l’apport en nature, ou l’apport en industrie. Attention cependant, les apports en industrie ne sont évidemment pas comptabilisés dans la constitution du capital social de l’entreprise.
Comment fonctionne une SCEA ?
Vous vous en doutez, la gestion quotidienne d’une société civile d’exploitation agricole (SCEA) repose sur un ou plusieurs gérants. Cette fonction peut être assumée soit par un associé, soit par un tiers extérieur à la société. Dans tous les cas, la nomination du gérant s’effectue officiellement dans les statuts de l’entreprise ou via un acte distinct annexé.
Dans le cadre de son mandat, le gérant assure la direction opérationnelle de l’exploitation agricole et représente la société auprès des tiers. En ce qui concerne sa rémunération, celle-ci n’est pas une obligation légale.
Cela va de soi, les décisions majeures, notamment lors de l’approbation des comptes ou d’une éventuelle dissolution, relèvent de la responsabilité collective des associés. Ces choix stratégiques s’effectuent donc lors d’assemblées générales, ordinaires ou extraordinaires. À ce propos, le capital social détermine directement la répartition des droits de vote. Concrètement, un associé qui détient 10 % des parts sociales dispose d’un pouvoir décisionnel équivalent à 10 % des voix lors des votes.
De manière générale, le régime de vote en assemblée générale privilégie l’unanimité pour la plupart des décisions. Seule exception notable : la nomination du gérant peut être validée à la majorité simple.
Quant à la cession de parts, une clause d’agrément régit généralement les transferts. Ainsi, tout associé qui souhaite céder ses parts à un tiers doit obtenir l’accord unanime des autres associés, sauf disposition contraire dans les statuts. Cette opération entraîne bien entendu certaines obligations fiscales. Le cédant est par exemple assujetti à l’impôt sur les plus-values, alors que l’acquéreur doit s’acquitter de droits d’enregistrement pour 5 % de la valeur desdites parts.
Quelle est la fiscalité d’une SCI agricole (SCEA) ?
La société civile d’exploitation agricole (SCEA) est soumise par défaut au régime de l’impôt sur le revenu (IR). Cela implique que la société bénéficie du principe de transparence fiscale. Ainsi, chaque exploitant associé doit intégrer une part des bénéfices proportionnelle à son capital social dans sa déclaration personnelle.
Pour illustrer ce fonctionnement, prenons un exemple concret. Pierre est associé d’une SCEA et détient 10 % des parts sociales. Il doit donc déclarer 10 % des bénéfices réalisés par la société agricole dans sa déclaration annuelle de revenus.
Vous vous en doutez, la répartition des bénéfices peut avoir des conséquences significatives sur le montant de l’impôt dû par chaque associé. En effet, selon leur situation personnelle et le régime d’imposition auquel ils sont soumis, l’ajout de ces revenus supplémentaires peut entraîner un changement de tranche d’imposition.
Néanmoins, face à ces complications fiscales, la SCEA offre la possibilité d’opter pour l’impôt sur les sociétés (IS). L’option peut être choisie soit lors de la création de l’exploitation, soit au cours de son activité. Dans ce cas de figure, c’est la société civile elle-même qui assume la responsabilité de la déclaration et du paiement de l’impôt sur ses bénéfices. Les associés, quant à eux, ne sont plus imposés que sur les dividendes qu’ils perçoivent. Attention, ce choix est irrévocable et nécessite l’unanimité des associés lors de la prise de décision.
Quels sont les avantages et inconvénients d’une SCI agricole ?
Comme pour toute société, la création d’une société civile d’exploitation agricole entraîne son lot d’avantages et d’inconvénients. On fait le point.
Les avantages majeurs de la SCEA
Comme nous l’avons déjà vu précédemment, la société civile d’exploitation agricole présente l’avantage considérable de ne pas exiger de capital social minimum pour sa création. Cette caractéristique facilite grandement l’installation de l’entreprise agricole, puisque les associés peuvent démarrer leur activité avec des apports modestes.
Autre atout significatif, la possibilité d’opter pour un capital social variable. Les statuts peuvent ainsi fixer simplement un montant plancher et un plafond, ce qui permet des modifications de capital sans recourir aux formalités juridiques complexes et coûteuses normalement nécessaires. Cela peut être un atout lors de l’intégration de nouveaux exploitants.
Et justement, la SCEA facilite l’accès aux personnes extérieures au monde agricole. Si vous envisagez d’avoir recours à des investisseurs pour élargir les possibilités de financement de votre exploitation, la société civile agricole est sans aucun doute le statut qu’il vous faut. Par ailleurs, les époux exploitants peuvent aussi s’associer.
Cerise sur le gâteau, contrairement au GAEC (groupement agricole d’exploitation en commun), aucun agrément n’est nécessaire pour la création d’une SCEA.
Un inconvénient principal : la responsabilité des associés
Parce qu’il ne pouvait pas y avoir que des avantages, la SCEA présente aussi un inconvénient non négligeable que l’on retrouve dans toutes les SCI : la responsabilité des associés. Effectivement, leur responsabilité est indéfinie et proportionnelle à leur participation au capital social, sans plafonnement. C’est donc un point à prendre en compte avant de se lancer dans l’aventure.
Quelles sont les différences entre la SCEA et le GFA (groupement foncier agricole) ?
Si vous êtes arrivé jusqu’ici, vous vous demandez peut-être quelle est la différence concrète entre la SCEA et le GFA. Après tout, il est vrai que ces deux entités permettent d’impliquer différents acteurs dans la gestion du patrimoine agricole. Les différences ne sont donc pas flagrantes, mais il en existe une principalement. En effet, la SCEA se distingue par sa capacité à accueillir des personnes morales dans son capital social. Or, ce n’est pas le cas du GFA. Cela peut donc être un atout de taille pour le statut de la société civile lorsque les exploitants souhaitent s’ouvrir à de nouveaux investisseurs.
Comment créer une SCEA ?
Sans surprise, la création d’une société civile d’exploitation agricole suit un processus similaire aux autres formes juridiques de sociétés commerciales.
Première étape fondamentale, la rédaction des statuts qui constitue le document juridique de base pour définir les règles de fonctionnement de la société agricole. Il précise notamment la répartition du capital social et les modalités de gestion de l’exploitation.
Ensuite, il faut bien entendu déposer le capital social, qui consiste tout simplement à verser les apports des associés sur un compte bancaire dédié à la future entreprise. Concrètement, c’est ce même capital qui permettra de démarrer l’activité de l’exploitation.
Troisième étape, la publication d’un avis de constitution dans un journal d’annonces légales (JAL) habilité du département. À ce stade, il est primordial de n’oublier aucune mention. Cette formalité assure la publicité de votre exploitation, ou tout du moins de sa création, auprès des tiers.
Enfin, pour finir, un dossier complet d’immatriculation doit être déposé sur la plateforme en ligne du guichet unique. Plusieurs documents sont évidemment à fournir, notamment pour justifier de l’identité des associés. À l’issue de cette procédure, la SCEA reçoit son extrait Kbis, LE document qui atteste de son existence légale et qui lui donne le droit d’exercer.
Vous l’aurez compris, la société civile d’exploitation agricole est une option juridique particulièrement adaptée aux besoins du secteur agricole. Sa flexibilité en termes de capital social, sa capacité à accueillir divers types d’associés et son régime fiscal modulable en font un choix pertinent pour de nombreux exploitants, même si la responsabilité illimitée des associés constitue un point de vigilance. Pour mettre toutes les chances de votre côté, n’hésitez pas à faire appel à un professionnel de la création d’entreprise pour faire un tour d’horizon plus complet du statut et de sa compatibilité avec votre situation.