Quand on dirige une entreprise avec des salariés, certaines décisions ne sont jamais simples à prendre. La rupture conventionnelle fait précisément partie de ce type de décision délicate. Ni licenciement ni démission, il s’agit de permettre un départ négocié entre l’employeur et le salarié. Certes, l’équilibre à trouver est compliqué, mais c’est une excellente solution pour éviter les tensions et respecter le travail passé d’un collaborateur.
En tant qu’employeur, vous devez à la fois maîtriser les étapes de la procédure, comprendre les enjeux juridiques, et garantir que le consentement du salarié est libre et éclairé. Sinon ? Vous risquez l’annulation pure et simple de la convention, voire un conflit aux prud’hommes.
Je vous propose un petit état des lieux de ce qu’il faut savoir pour mener une rupture conventionnelle réussie, en respectant vos obligations, en évitant les pièges et en assurant une fin de collaboration idéale pour tout le monde.
Bien comprendre la rupture conventionnelle pour mieux l’utiliser
Si vous dirigez une entreprise avec des salariés, vous savez déjà probablement ce que c’est. Toutefois, un éclaircissement ne me paraît pas superflu.
La rupture conventionnelle est une procédure qui permet à un employeur et un salarié en CDI de mettre fin au contrat de travail d’un commun accord. Ce n’est ni un licenciement, ni une démission, mais une voie alternative strictement encadrée par le Code du travail.
Évidemment, cette procédure ne s’impose pas et repose sur le consentement mutuel. Cela implique donc qu’aucune des deux parties ne peut la forcer. La moindre pression, le moindre vice de consentement, et c’est la validité de la rupture conventionnelle en elle-même qui peut s’effondrer.
À noter également que le contrat doit forcément être un CDI. Il est impossible d’utiliser cette méthode pour un CDD ou même un contrat d’apprentissage. Et inutile d’y songer pour un salarié déclaré inapte ou en cas de plan de sauvegarde de l’emploi, car la loi vous l’interdit.
Une chose est sûre, la rupture conventionnelle n’est pas un outil à utiliser à la légère.

Selon Dares, en France métropolitaine, 130 300 ruptures conventionnelles ont été enregistrées au 2ᵉ trimestre 2025, en hausse de +1,3 % par rapport au trimestre précédent.
Évaluer si la rupture conventionnelle est la bonne option
Avant de valider une rupture conventionnelle, vous devez évaluer les circonstances de celle-ci, le profil du salarié et les objectifs de l’entreprise. Est-ce vraiment la meilleure voie pour le départ du collaborateur ? Est-ce une façon de contourner un licenciement que vous n’assumez pas ou est-ce une vraie décision conjointe pour sortir proprement d’un contrat devenu dysfonctionnel ?
Si le salarié est démotivé, en perte de sens, ou s’il veut changer de voie professionnelle, alors oui, la rupture conventionnelle est pertinente. Cependant, si vous y voyez juste un raccourci pour éviter les contraintes du licenciement, vous faites fausse route.
Je vous conseille donc de bien préparer vos arguments en amont, car ce n’est pas une offre à lancer ou à accepter à la volée. Vous devez avoir de bonnes raisons qui justifient cette rupture. Et dans tous les cas, vous n’avez d’autre choix que d’entendre la réponse du salarié sans lui faire de pression. Le mot d’ordre, ici, reste la négociation, pas l’obligation.
Organiser l’entretien de rupture dans les règles
Une rupture conventionnelle commence forcément par un ou plusieurs entretiens. De toute façon, c’est une obligation sous peine de rendre la procédure caduque. Vous devez donc organiser une rencontre pour poser les bases de la rupture, discuter des modalités et valider l’accord de principe.
À l’occasion de cet entretien, vous avez tout à fait le droit de vous faire assister, tout comme votre salarié. Et d’ailleurs, si ce dernier vous le demande, il peut aussi faire appel à un représentant du personnel, un conseiller ou même un avocat.
Quoi qu’il arrive, l’entretien doit porter sur des éléments très concrets, parmi lesquels :
- la date de départ souhaitée ;
- le montant de l’indemnité ;
- les derniers jours de travail ;
- la gestion du solde des congés ;
- les conditions de l’homologation.
Dans tous les cas, soyez transparent, clair et précis. Ce n’est pas le moment de jouer sur les mots.
Négocier l’indemnité de rupture conventionnelle
Bien entendu, l’un des intérêts de la rupture conventionnelle est de donner droit à une indemnité spécifique pour le salarié. Mais attention, ladite indemnité ne peut jamais être inférieure à l’indemnité légale de licenciement.
Cela signifie que le calcul doit se baser sur l’ancienneté du salarié, son salaire brut, mais aussi sur ce que prévoit la convention collective de l’entreprise (le cas échéant). De même, vous devez toujours retenir le montant le plus avantageux pour le salarié.
Si vous êtes à l’initiative de la rupture, je vous recommande de prévoir une indemnité légèrement supérieure au minimum légal. Vous verrez que cela facilite l’accord, sécurise la négociation et évite les litiges. C’est une proposition d’autant plus intéressante que le salarié pourra toucher le chômage après son départ, ce qui est un vrai avantage par rapport à une démission.
Bon à savoir : Une indemnité trop basse entraînera un refus d’homologation. À l’inverse, une indemnité trop haute pourrait éveiller les soupçons de fraude ou de détournement des règles du licenciement.
Comme vous pouvez le voir, la gestion financière de l’indemnité fait partie intégrante de la rupture conventionnelle. Mieux vaut donc ne pas l’improviser.
Rédiger la convention et procéder aux démarches
Une fois l’accord trouvé, il ne reste plus qu’à formaliser la rupture conventionnelle en un document écrit et signé par les deux parties. C’est ce que l’on appelle la convention de rupture. Cette dernière doit notamment mentionner la date de rupture du contrat, le montant de l’indemnité, et toutes les informations requises pour l’homologation.
Pour cela, vous devez remplir le formulaire Cerfa n°14598*01, qui peut être transmis via le service en ligne TéléRC ou imprimé. Trois exemplaires sont nécessaires : un pour vous, un pour le salarié et un pour l’administration.
Une fois signée, cette convention ouvre un délai de rétractation de 15 jours calendaires. Chacun peut changer d’avis, sans justification. Pendant ce laps de temps, aucun envoi à l’administration ne doit être effectué.
Ensuite, vous pouvez transmettre la demande d’homologation à la DDETSPP (anciennement Direccte), qui a 15 jours ouvrables pour répondre. Sans réponse de leur part, vous pouvez considérer avoir obtenu un accord tacite. Attention néanmoins, une erreur dans le formulaire, un oubli de date ou un montant incohérent et la rupture conventionnelle est invalidée.
Gérer le départ du salarié jusqu’au bout
Une rupture conventionnelle réussie passe aussi par une gestion rigoureuse du départ. Bien entendu, cela implique que vous remettiez au salarié tous les documents classiques d’un départ : certificat de travail, attestation France Travail (ex-Pôle Emploi), solde de tout compte.
Cela va de soi, n’oubliez pas que ce solde de tout compte comprend aussi les congés payés restants, les primes éventuelles et l’indemnité de rupture conventionnelle.
En parallèle, assurez-vous également que le montant de l’indemnité est versé dans les délais, car un retard ou un oubli vous expose à des pénalités. Or, cela peut ruiner toute la procédure, même si l’homologation a été validée.
Je vous conseille enfin de gérer ce départ avec professionnalisme. Un salarié peut quitter votre entreprise soit en bon terme soit en mauvais, et croyez-moi, cela change tout pour votre image de marque employeur. Alors, même si la séparation a été difficile, soignez la sortie.
Concrètement, la rupture conventionnelle est une bonne chose si elle est maîtrisée, puisqu’elle protège à la fois votre entreprise et votre salarié. Toutefois, mieux vaut s’y prendre sérieusement au risque de devoir rattraper les pots cassés plus tard.

