Les abattements fiscaux font partie des aides et subventions spécifiques à la reprise d’entreprise. Il est également possible d’en profiter dans le cadre d’une reprise d’entreprise par donation. En effet, la donation d’entreprise (ou la transmission à titre gratuit) donne lieu au paiement de droits d’enregistrement. Ces derniers sont redevables par le bénéficiaire (la personne à qui l’entreprise est donnée). Et croyez-nous, le montant peut s’avérer exorbitant, notamment lorsqu’aucun lien de parenté n’existe entre le donateur et le donataire.
Nous le verrons, mais dans ce dernier cas, les droits d’enregistrement peuvent être taxés au taux de 60 %. Vous imaginez bien le frein que cela représente dans une reprise d’entreprise.
C’est pourquoi il existe des dispositifs pour limiter la fiscalité d’une donation d’entreprise, surtout le pacte Dutreil. Le pacte Dutreil permet une exonération des droits de donation de 75 % de la valeur de l’entreprise. Mais, la cession en pleine propriété de fonds de commerce, artisanaux ou agricoles peuvent aussi bénéficier d’un abattement de 500 000 €. Faisons le point sur tout cela.
La fiscalité de la reprise d’entreprise par donation
Attention, il ne faut pas confondre donation et succession. La donation a lieu du vivant du gérant alors que la succession intervient après la mort du gérant. Dans le cadre d’une donation, le gérant peut décider de transmettre son entreprise à titre gratuit à des membres de sa famille (conjoint ou partenaire de Pacs, ascendants et descendants en ligne directe, frères et sœurs, etc.) ou à un ou plusieurs salariés.
Comme nous le disions, les bénéficiaires de l’entreprise doivent payer des droits d’enregistrement ou droits de donation à l’administration fiscale. Il s’agit purement et simplement d’un impôt. À dire vrai, le donateur peut décider de les prendre à sa charge.
Les droits de donation sont calculés sur la valeur de l’entreprise transmise. Il est possible de déduire le montant d’un éventuel abattement. Un abattement est une réduction forfaitaire ou proportionnelle appliquée sur la base de calcul d’un impôt. Lorsque l’entreprise est transmise par donation à un salarié, aucun abattement n’est possible. Cependant, lorsque la donation est au profit d’un membre de la famille du gérant, alors un abattement est appliqué en fonction du lien de parenté entre le donateur (gérant) et le donataire.
Pour connaître le montant de l’impôt, il faut alors se référer au barème d’imposition. Toutefois, dans le cas d’une donation à un salarié, le barème d’imposition est systématiquement fixé à 60 %.
Prenons l’exemple d’une donation d’entreprise à un salarié. Admettons que le fonds de commerce soit d’une valeur de 320 000 € (valeur de la donation). Comme aucun lien de parenté n’intervient ici (pas d’abattement possible et taux d’imposition à 60 %), le montant des droits d’enregistrement est alors de 192 000 €.
A contrario, faisons le calcul pour un gérant faisant donation de son entreprise à son fils. Le lien de parenté parent/enfant donne lieu à un abattement de 100 000 €. Cet abattement est à déduire de la valeur de la donation (320 000 €), ce qui nous donne 220 000 €. Les droits de donation sont alors calculés d’après le barème d’imposition applicable dans une telle situation (parent/enfant). Le barème varie en fonction de la valeur de la donation après abattement. Dans notre exemple, le barème d’imposition est fixé à 20 % (part taxable comprise entre 15 933 € à 552 324 €).
Ainsi, le donataire (le fils) ou le donateur (au choix) devra payer des droits de donation (droits d’enregistrement ou droits de mutation) de 44 000 € (20 % de 220 000 €).
Pour faciliter la donation d’entreprise et la poursuite de l’activité, d’autres abattements fiscaux ont été mis en place pour limiter le montant des droits d’enregistrement.
Les abattements fiscaux possibles pour la reprise d’une entreprise par donation
Comme nous venons de le calculer, le montant des droits de donation peut s’avérer élevé. Dans les exemples ci-dessus, ils sont de 192 000 € pour le salarié et de 44 000 € pour un enfant. On peut dire qu’il s’agit d’un frein à la reprise d’entreprise.
C’est pourquoi la loi de modernisation de l’économie a instauré une exonération de droits d’enregistrement pour les reprises d’entreprise par un salarié ou les reprises familiales. À cela s’ajoutent d’autres dispositifs.
Le pacte Dutreil : un abattement fiscal partiel à la reprise d’une entreprise par donation
Commençons notre tour d’horizon des autres abattements fiscaux existants avec le pacte Dutreil. Le dispositif Dutreil donne droit à une exonération partielle des droits de donation. Cet abattement est de 75 % de la valeur de l’entreprise (valeur de la donation). Vous comprenez donc que les droits d’enregistrement sont calculés sur seulement 25 % de la valeur de l’entreprise.
Bien évidemment, certains critères sont à remplir. En effet, il existe 4 conditions cumulatives à respecter pour bénéficier du pacte Dutreil, à savoir :
- le gérant doit avoir détenu l’entreprise pendant au moins 2 ans (sauf si le gérant a créé l’entreprise ou qu’il l’a acquise à titre gratuit) ;
- chaque bénéficiaire de la donation s’engage à conserver l’entreprise et les biens durant 4 ans ;
- l’un des bénéficiaires s’engage à poursuivre l’activité de l’entreprise durant 3 ans à compter de la donation ;
- l’activité principale de l’entreprise est industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (les SCI ne sont donc pas éligibles).
Dans notre exemple, la valeur de la donation serait donc de 55 000 € pour le fils (320 000 € – 100 000 € = 220 000 € puis 220 000 € – 75 % = 55 000 €). Dans le cadre de la donation à un salarié, elle serait de 80 000 €. Les droits d’enregistrement pour le fils s’élèveraient donc à 11 000 € (barème d’imposition de 20 %) et à 48 000 € pour un salarié (taux d’imposition de 60 %).
L’abattement fiscal dans le cadre d’une reprise d’entreprise par donation anticipée
Si le gérant a moins de 70 ans au moment de la transmission, on parle de transmission anticipée. Alors, une réduction supplémentaire de 50 % des droits de donation s’applique sur la part taxable de la donation. Rappelons que la part taxable correspond à la valeur de la donation déduite de l’abattement lorsqu’il est applicable.
De plus, le mécanisme de la transmission anticipée est cumulable avec les éventuels abattements et les avantages du pacte Dutreil.
Dans notre exemple, le montant de l’impôt pour le fils serait de :
- valeur de l’entreprise de 320 000 € de laquelle on déduit l’abattement lié au lien de parenté de 100 000 €, soit une valeur de donation de 220 000 € ;
- il faut alors déduire l’abattement du pacte Dutreil (220 000 € – 75 %), soit 55 000 € ;
- on déduit alors l’abattement pour transmission anticipée de 50 % (55 000 € – 50 %), soit 27 500 € ;
- le montant des droits d’enregistrement est donc de 5 500 € (20 % de 27 500 €).
Pour un salarié, après l’abattement du pacte Dutreil, la valeur de la donation est donc de 80 000 €. Après l’application de l’abattement pour donation anticipée, elle est de 40 000 €. Le montant des droits d’enregistrement est alors de 24 000 € (60 % de 40 000 €).
L’abattement fiscal spécifique aux salariés dans le cadre d’une donation
Si les précédents dispositifs permettent une réduction significative pour les salariés qui reprennent une entreprise par donation, le montant des droits de donation peut sembler toutefois encore élevé. Ainsi, un système d’exonération des droits de donation spécifique aux salariés a été mis en place afin de favoriser la transmission des très petites entreprises aux salariés. Pour cela, ici aussi, certaines conditions cumulatives sont à respecter :
- le gérant doit avoir détenu l’entreprise pendant au moins 2 ans (sauf si le gérant a créé l’entreprise ou qu’il l’a acquise à titre gratuit) ;
- les salariés bénéficiaires sont en apprentissage ou en CDI depuis au moins 2 ans et exercent leur activité à temps plein ;
- les salariés bénéficiaires doivent assurer la direction de l’entreprise durant au moins 5 ans.
Si toutes les conditions sont remplies, alors l’abattement sur la valeur de la donation est de 500 000 € depuis le 1er janvier 2024 avec la loi des finances pour 2024. Auparavant, le montant de l’abattement était de 300 000 €.
Grâce aux différents dispositifs énumérés ici, la donation d’une entreprise à un membre de la famille ou à un salarié devient réellement possible. Il s’agit d’un sacré coup de pouce pour reprendre une entreprise dans de bonnes conditions financières, notamment pour un salarié. En effet, l’abattement fiscal spécifique peut lui permettre une exonération totale des droits d’enregistrement. Le gérant qui désire céder son entreprise doit alors bien s’assurer que lui et le salarié bénéficiaire remplissent bien toutes les conditions pour bénéficier du dispositif le plus rentable. Ainsi, il s’assure de la pérennité de l’entreprise, car c’est un peu là tout l’objectif de la transmission à titre gratuit !