EI vs EURL : quel statut privilégier ?

Table des matières

En tant que dirigeante d’une entreprise individuelle, je sais combien le choix du statut juridique est déterminant lors de la création d’une activité. J’ai par exemple longtemps hésité entre l’entreprise individuelle (EI) et l’EURL, cette société unipersonnelle proche de la SARL, mais pour un associé unique. Et c’est une question d’autant plus difficile que le sujet paraît parfois technique, entre la responsabilité, le régime social, l’imposition, les cotisations, les formalités, etc. Pourtant, comprendre la portée de chaque notion est capital pour vous aider à protéger votre patrimoine, à optimiser votre revenu et à préparer la croissance de vos affaires.

J’ai donc décidé de vous partager mon expérience, de vous expliquer les différences les plus importantes et d’éclairer votre choix avec des exemples concrets.

État des lieux des statuts de l’EI et de l’EURL

Je vous propose de commencer par faire un rapide résumé des bases de l’entreprise individuelle et de l’EURL.

L’entreprise individuelle : je suis l’entreprise

Depuis 2007, je dirige mon activité en entreprise individuelle, un statut avec lequel l’entrepreneur et l’entreprise ne font qu’un. Le patrimoine professionnel est ainsi juridiquement confondu avec le patrimoine privé, même si la loi 2022 prévoit un « patrimoine professionnel d’affectation ».

Mais ça signifie quoi concrètement ? Que vos créanciers professionnels pourraient saisir vos biens personnels (hors résidence principale) si la gestion de votre activité tournait mal. Autant vous dire que cette absence de cloison étanche est effrayante, même si le fonctionnement du statut reste par ailleurs ultra-simple (pas de capital minimum, pas de statuts à rédiger, démarches 100 % en ligne, formalités comptables allégées, etc.).

Et puis, dans une EI micro-entreprise (ou auto-entreprise), la fiscalité est encore plus simplifiée, avec des cotisations sociales et un impôt qui se calculent sur le chiffre d’affaires (duquel est soustrait un abattement forfaitaire par régime, BIC ou BNC).

L’EURL : la SARL pour une seule personne

L’EURL est une SARL à associé unique, c’est-à-dire une société dotée d’une personnalité morale distincte. Son atout numéro un est sans conteste la responsabilité du gérant qui se limite aux apports du capital (avec un minimum de 1 €). En cas de dettes, le patrimoine personnel est donc protégé, sauf si faute de gestion.

Mais attention, car la création est plus lourde que pour une entreprise individuelle. Vous devez rédiger des statuts juridiques, publier un avis dans un journal d’annonces légales, déposer le capital sur un compte bloqué, puis immatriculer la société. Et pour toutes ces formalités, il peut falloir débourser très cher (environ 200 € à 300 € pour les règlements administratifs, auxquels s’ajoutent les honoraires d’un expert-comptable ou d’un avocat si vous déléguez la rédaction de vos statuts).

Côté fiscal, l’EURL est soumise par défaut à l’impôt sur le revenu (IR), mais vous pouvez choisir l’impôt sur les sociétés (IS). La grande différence concerne la nature des rémunérations.

Quid de la responsabilité et de la protection du patrimoine ?

Avec mon entreprise individuelle, je garde toujours en tête que mon patrimoine personnel est exposé. Certes, ma résidence principale est insaisissable et je peux effectuer une déclaration d’insaisissabilité chez le notaire, mais ces garde-fous n’excluent pas les poursuites sur d’autres biens (voiture, placements) si mon activité connaît des difficultés. Il est donc tout à fait normal que ce risque décourage n’importe quel entrepreneur qui projette de créer une activité susceptible d’avoir besoin d’investissements lourds ou de générer un chiffre d’affaires conséquent.

D’ailleurs, si je souhaite solliciter un emprunt, il y a fort à parier que la banque exigera des garanties personnelles au vu de mon statut peu engageant pour elle. Néanmoins, pour une activité de conseil ou de prestation à faible besoin de financement, comme c’est mon cas, le statut de l’EI reste sans doute le plus pertinent et rapide.

À l’inverse, avec l’EURL, c’est la règle fondatrice de la société à responsabilité limitée qui s’applique. Seuls les apports au capital couvrent les dettes. Votre maison, vos comptes personnels, vos assurances vie sont hors de portée, sauf en cas de fraude ou de faute de gestion grave. Et c’est justement cette protection juridique qui séduit les entrepreneurs dont l’activité comporte des stocks, du matériel, des salariés ou des contrats importants, sans compter qu’elle pèse aussi lors des partenariats avec d’autres entreprises, puisque celles-ci perçoivent l’EURL comme une structure plus pérenne que l’EI.

De plus, inutile de se voiler la face, les banques apprécient la clarté du statut (bilans distincts, visibilité sur la rentabilité, statuts qui encadrent l’activité, etc.), ce qui vous permet d’obtenir un crédit si besoin (et à un meilleur taux qu’avec une entreprise individuelle).

Quid du régime fiscal et régime social ?

Avec une entreprise individuelle, vous relevez naturellement de l’IR dans la catégorie BIC ou BNC. Votre bénéfice net (chiffre d’affaires – charges) se reporte directement dans votre déclaration 2042. Quant aux cotisations sociales, elles se calculent également sur ce bénéfice et représentent environ 45 % (sauf en régime micro).

D’ailleurs, le régime de la micro-entreprise simplifie encore plus le suivi, puisque vous déclarez chaque mois ou trimestre votre chiffre d’affaires et réglez un pourcentage forfaitaire de ce dernier pour vos cotisations. Toutefois, les plafonds de CA maximum (188 700 € pour la vente, 77 700 € pour la prestation en 2025) limitent sa pertinence pour une activité en forte croissance.

Sachez que depuis 2022, l’option de l’IS est possible en EI. Et elle peut sensiblement modifier la donne, car vos rémunérations deviennent des traitements et salaires, déductibles de l’IS, alors que les bénéfices non distribués sont taxés à 15 % puis 25 %. Vous pouvez alors capitaliser pour investir, à condition de respecter les lourdes contraintes en cas de sortie du dispositif.

De son côté, l’EURL offre deux régimes.

  1. L’impôt sur le revenu, pour une structure transparente puisque le résultat fiscal remonte dans votre déclaration de personne physique. Dans ce cas de figure, les cotisations sociales portent sur la totalité du bénéfice.
  2. L’impôt sur les sociétés, pour une société plus opaque, où votre salaire constitue la base de vos charges sociales, tandis que la société paie l’IS sur son résultat. Les dividendes, quant à eux, subissent un prélèvement forfaitaire unique (PFU) ou l’option barème + abattement de 40 %.

Si vous laissez du bénéfice au sein de la société, vous profitez d’un taux réduit à 15 % (jusqu’à 42 500 €) et vous pouvez ensuite distribuer des dividendes quand la trésorerie vous le permet. En revanche, les dividendes qui excèdent 10 % du capital + compte courant sont réintégrés dans l’assiette des cotisations sociales.

Sur le plan social, le gérant associé unique de l’EURL relève du même régime TNS qu’en EI, mais la base de calcul dépend de sa feuille de paie et non du bénéfice global. Cela permet de mieux contrôler la protection (retraite complémentaire, indemnités journalières) en modulant le salaire.

Prenez le temps d’étudier les implications fiscales et sociales de chaque statut, car les répercussions seront les plus importantes. Et restez zen !

Quid des formalités de création et du coût ?

Pour déclarer mon entreprise individuelle, j’ai simplement rempli le formulaire en ligne, joint ma pièce d’identité et indiqué mon adresse professionnelle. Aucun dépôt de capital, pas de rédaction de statuts, envoi rapide du numéro SIREN. Cette rapidité peut donc séduire les entrepreneurs pressés de tester leur activité, d’autant plus qu’il n’y a plus aucun frais d’immatriculation. Même la domiciliation peut se faire à mon domicile, sauf restrictions de copropriété.

Et puis, sur le plan comptable, vous avez 3 obligations : tenir un livre-journal, un grand livre et un registre d’achats (si vous vendez des marchandises). Néanmoins, en micro-entreprise, un simple livre de recettes suffit. Vous pouvez même gérer vos affaires avec un fichier Excel !

Mais si vous préférez créer une EURL, vous devrez en passer par bien d’autres étapes, comme la rédaction des statuts (forme, objet, durée, capital, apports, gérance), le dépôt du capital sur un compte bloqué, la publication de l’annonce légale de création, et le dépôt du dossier au guichet unique. Et chacune de ces actions engendre un coût, ne serait-ce que pour l’annonce légale (123 € ou 146 € selon votre localisation), les frais de greffe, l’ouverture bancaire, les éventuels honoraires pour la rédaction des statuts, etc.

Toutefois, cette structure plus complexe n’est pas qu’une contrainte. Au contraire, elle clarifie nettement les règles du jeu (répartition du capital, pouvoirs du gérant, modalités d’assemblée, fonctionnement des comptes courants d’associé, etc.). Et puis vous pouvez tout à fait être assisté par un expert-comptable qui vous dira comment choisir au mieux votre objet social, protéger vos marques et rédiger les clauses les plus pertinentes pour votre future activité.

Quid de la gestion et de l’évolution de l’entreprise ?

Avec mon entreprise individuelle, je tiens une comptabilité de trésorerie plus que simplifiée, qui se limite à mes encaissements, déclarations trimestrielles et déclarations de TVA. Comme mon activité consiste à vendre du conseil et des services, je ne suis pas concernée par les décaissements, car je n’achète rien avec l’argent de mon entreprise. Et cette simplicité me libère du temps pour tout le reste, même si elle limite mes indicateurs de performance (pas de bilan, etc.).

Cerise sur le gâteau, je reste seule maîtresse à bord, puisqu’il m’est impossible d’émettre des parts pour accueillir un associé. Si je veux grossir, je dois obligatoirement changer de statut.

En EURL, il faut au contraire préparer un bilan, un compte de résultat et une annexe, en plus de déposer ses comptes au greffe. Autant de contraintes qui coûtent environ 1 000 € d’honoraires annuels, mais qui ont le mérite de fournir des ratios précis (capacité d’autofinancement, besoin en fonds de roulement, marge nette, etc.).

À noter que l’EURL, elle, se transforme en SARL en un simple dépôt de dossier. Dès lors, vous pouvez ouvrir votre capital à des investisseurs, partager la gestion avec un co-gérant, ou même négocier des mécanismes d’intéressement. Inutile de dire que l’EURL est idéale pour des activités appelées à embaucher ou lever des fonds.

Comment faire un choix entre EI et EURL ?

Pour faire votre choix, je vous conseillede vous poser deux questions simples :

  • quel niveau de risque votre activité comporte-t-elle ?
  • à quelle vitesse comptez-vous grandir ?

Si vous démarrez une prestation intellectuelle, sans stock ni salarié, la souplesse de l’entreprise individuelle vous fera indéniablement gagner en agilité et en coûts. À l’inverse, si vous prévoyez un chiffre d’affaires qui dépassera très vite les seuils de CA imposés, si vous cherchez des financements ou si vous craignez la mise en cause de votre responsabilité, l’EURL et sa responsabilité limitée semblent être la meilleure option.

Et pensez aussi à prendre en compte votre situation personnelle, car un patrimoine immobilier conséquent penche en faveur de la séparation des risques, tout comme un besoin de revenus immédiats doit encourager à privilégier la taxation à l’IR.

 

Pour faire simple, si l’entreprise individuelle brille par sa simplicité et son faible coût, l’EURL se distingue par sa responsabilité limitée et sa flexibilité fiscalo-sociale. Votre choix dépendra plutôt du binôme risque-ambition : pilotez-vous une activité de proximité ou bâtissez-vous une future société destinée à une importante croissance ? Quoi qu’il en soit, prenez le temps d’analyser vos objectifs avant de signer votre statut juridique, car ce simple geste anodin aura un effet durable sur votre quotidien !

Partager cet article avec votre communauté : 

LinkedIn
Facebook
X
WhatsApp
Email
Image de Ludivine RETOURNE
Ludivine RETOURNE
Entrepreneuse depuis 2007, je baigne depuis 18 ans dans le marketing digital (storytelling, copywriting, rédaction) et le référencement. Mais c’est en travaillant de nombreuses années pour des professionnels de la création d'entreprise que je suis devenue, sans m'en rendre compte, une encyclopédie de l'entrepreneuriat. Sur ce blog, je partage avec vous mes conseils et astuces, mais aussi mes observations, pour développer votre activité sans vous prendre la tête ! Retrouvez-moi sur Linkedin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire

Ces articles peuvent vous intéresser​

blank

Quels avantages pour la succession avec une SCI ?

Autour de moi, j’ai trop souvent vu un patrimoine immobilier disparaître en fumée parce que les propriétaires n’avaient pas su anticiper la succession. Entre la loi qui impose des droits élevés, l’indivision qui gèle la gestion et la protection imparfaite du conjoint survivant, le risque est clair : votre capital construit ou acquis, parfois à la sueur de votre front, passe aux mains d’autrui ou se retrouve bradé pour payer le fisc.

Lire la suite »
blank

SASU ou EURL : quel statut juridique choisir ?

Créer son entreprise est une sacrée aventure, mais choisir son statut juridique peut s’avérer plus compliqué que prévu, surtout lorsqu’on est entrepreneur solo. Croyez-moi, je suis bien placée pour le savoir. Malheureusement, ou heureusement, c’est une étape incontournable. Et vous devez avoir pleinement conscience que votre choix déterminera peut-être la pérennité de votre activité.

Lire la suite »