Peut-on diriger une société et être auto-entrepreneur ?

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Chaque semaine, je vois passer une question récurrente sur les réseaux sociaux (en tout cas, sur LinkedIn) : « Puis-je être dirigeant d’une société tout en gardant mon statut d’auto-entrepreneur ? » En voilà une bonne question, n’est-ce pas ? Parce qu’il est vrai que dans l’écosystème français, où la création d’entreprises est vivement encouragée, on a tendance à volontiers jongler entre plusieurs activités pour diversifier ses revenus ou tester une idée avant de la mettre en œuvre concrètement. Seulement voilà, le cumul des statuts n’est pas une simple ligne administrative. Ce choix a aussi un impact sur le plan juridique, sur le plan social et sur le plan fiscal.

Dans cet article, je vais donc m’évertuer à décortiquer point par point le « oui », le « non », et le « oui, mais » afin que vous puissiez prendre votre décision en toute connaissance de cause.

Quel cadre juridique pour le cumul des statuts ?

Entre les formes sociétaires compatibles, et les freins légaux et contractuels, mieux vaut bien comprendre certaines notions avant de vous lancer dans une double activité.

Les formes sociétaires compatibles

Oui, en droit français, le régime de la micro-entreprise, ou de l’auto-entreprise, peut tout à fait se combiner avec certaines sociétés, notamment parce qu’il repose sur la personne physique, là où la société est une personne morale distincte.

Parmi ces sociétés qui sont ouvertes à une activité parallèle si vous êtes micro-entrepreneur, vous avez plusieurs choix.

  1. La SAS ou SASU: en tant que président (assimilé salarié), vous pouvez cumuler sans plafond de chiffre d’affaires dans la société et profiter parallèlement de votre micro-entreprise pour une autre activité de services.
  2. La SA : mêmes règles que pour la SAS ou SASU.
  3. La SARL et l’EURL : possible uniquement si vous êtes gérant minoritaire ou égalitaire (≤ 50 %).

Notez aussi que toute fonction de simple associé, sans mandat de gérance, est également compatible.

En revanche, la double immatriculation en deux micro-entreprises reste interdite, tout comme un cumul entre une entreprise individuelle et une auto-entreprise (puisque la loi considère qu’il s’agit déjà d’une entreprise individuelle).

Les freins légaux et contractuels

Le principal verrou qui pourrait bloquer votre projet concerne la question de votre couverture sociale. Par exemple, si vous aviez prévu d’être gérant majoritaire d’une SARL, vous ne pourrez pas cumuler ce statut avec le régime micro. Pourquoi ? Tout simplement parce que dans le premier cas vous seriez aussi affilié au régime des travailleurs non-salariés.

Par ailleurs, si vous êtes salarié en plus de votre activité d’auto-entrepreneur ou de dirigeant, et que vous souhaitez cumuler une nouvelle activité avec l’un ou l’autre de ces deux derniers cas, vous devez également tenir compte de votre contrat de travail. En effet, une clause d’exclusivité (ou même un statut de fonctionnaire) peut vous empêcher tout cumul.

Pour faire simple, la loi vous autorise le cumul lorsqu’il n’existe ni conflit d’intérêts ni contournement possible des règles sociales et fiscales. Mais je vous dirais que la prudence impose malgré tout un passage chez un conseiller juridique ou un autre expert pour sécuriser votre situation dès le début.

Pour protéger vos arrières, solliciter un professionnel de la création d’entreprise est plus que recommandé, surtout dans un cas complexe comme le cumul d’activités.

Quelles sont les implications sociales et fiscales d’un cumul de dirigeant et d’auto-entrepreneur ?

Les implications fiscales et sociales d’un cumul de dirigeant et d’auto-entrepreneur concernent sans surprise la protection sociale, et ses cotisations, ainsi que la TVA et les impôts.

La protection sociale et les cotisations

En matière de protection sociale et de cotisations, cumuler signifie cotiser deux fois, mais pas forcément au même taux. Effectivement, en auto-entreprise, l’URSSAF prélève un pourcentage unique sur le chiffre d’affaires, qui couvre la Sécurité sociale, la retraite de base, l’invalidité-décès et les formations professionnelles.

Dans une SAS ou une SASU, je vous ai dit plus haut que le président est assimilé salarié. Il paye donc des cotisations élevées, mais il obtient une protection identique à celle d’un cadre. En SARL, le géant minoritaire relève lui aussi du régime assimilé salarié, alors que le gérant majoritaire reste TNS (travailleur non-salarié) avec des prélèvements moindres, mais une couverture plus faible.

La TVA et les impôts

La micro-entreprise bénéficie de la franchise en base de TVA jusqu’à 91 900 € (sauf pour les prestations de services dont le plafond est fixé 36 800 €, en sachant qu’une modification pourrait intervenir sous peu). Si votre chiffre d’affaires dépasse ces seuils, vous perdez l’avantage. Mais les ventes de votre société ne se mélangent pas à celles du régime micro pour ce calcul. Chaque entité a son propre compteur.

Côté impôt sur le revenu, vous avez deux options : le versement libératoire (1 % ou 1,7 % selon l’activité) ou le barème progressif après abattement. Attention, les dividendes de SAS ou de SASU relèvent du prélèvement forfaitaire unique (PFU) ou, sur option, du barème.

Soyez vigilant tout de même si vous encaissez vos ventes micro-entreprise et vos ventes de société sur le même compte bancaire, car l’administration fiscale veille au grain et reste susceptible de requalifier le montage et de redresser votre TVA. Maintenir une comptabilité séparée apparaît donc plus judicieux pour éviter les problèmes.

Mais alors, faut-il cumuler les statuts de dirigeant et d’auto-entrepreneur ?

Le cumul reste intéressant dans certaines situations. Par exemple, si vous facturez du conseil avec votre micro-entreprise et que vous voulez vous mettre à vendre un logiciel B2B, c’est un choix pertinent pour diviser votre facturation en deux segments distincts.

J’y vois globalement trois bénéfices.

  1. Vous pouvez tester une nouvelle activité à moindre coût, si l’objectif est de créer une auto-entreprise, puisque vous n’avez pas de capital, pas de bilan, et seulement une simple déclaration à faire chaque trimestre.
  2. Vous pouvez rémunérer une partie de votre travail sans impacter la trésorerie de votre société, puisque le revenu de votre micro-entreprise tombe net dans votre poche (une fois vos cotisations payées).
  3. Vous limitez les risques juridiques, puisque si l’une de vos deux entreprises subissait un litige, l’autre reste intacte.

Il n’est ainsi pas rare que certains entrepreneurs freelances se lancent dans une SASU pour lever des fonds afin de mettre en place un projet, tout en continuant à facturer des prestations de services via une auto-entreprise.

Néanmoins, je ne peux que vous conseiller d’adopter quelques bonnes pratiques si vous partez dans cette voie :

  • séparez vos flux financiers, avec un compte bancaire pour chaque structure et une tenue de livres distincte ;
  • surveillez vos échéances URSSAF, TVA et impôt, car vous pouvez vite vous laisser déborder par les formalités des deux activités ;
  • anticipez votre développement et réfléchissez à intégrer votre activité micro dans votre société dès que son chiffre d’affaires s’approche du plafond (cela vous permettra d’optimiser vos cotisations sociales).

 

Ce qui est sûr, c’est qu’avec une bonne gestion, le double statut peut être un incroyable levier de croissance plutôt qu’un casse-tête administratif. D’un côté, vous gardez la flexibilité d’une micro-entreprise, et de l’autre, vous profitez de la puissance d’une société pour signer de gros contrats et rassurer de futurs partenaires. Néanmoins, prenez le temps de challenger votre choix auprès d’un expert-comptable qui saura vous guider vers le bon montage et potentiellement vous éviter un redressement fiscal.

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Ludivine RETOURNE
Entrepreneuse depuis 2007, je baigne depuis 18 ans dans le marketing digital (storytelling, copywriting, rédaction) et le référencement. Mais c’est en travaillant de nombreuses années pour des professionnels de la création d'entreprise que je suis devenue, sans m'en rendre compte, une encyclopédie de l'entrepreneuriat. Sur ce blog, je partage avec vous mes conseils et astuces, mais aussi mes observations, pour développer votre activité sans vous prendre la tête ! Retrouvez-moi sur Linkedin

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