Quand j’ai commencé mon activité en 2007, je me souviens avoir passé des journées entières à me demander comment calculer mon TJM (taux journalier moyen). Il faut dire que c’est un enjeu important pour une activité d’indépendant, notamment parce que le chiffre décidé nous place en concurrence directe avec les autres professionnels de notre marché. Si vous êtes trop cher, vous risquez de vous griller, mais si vous n’êtes pas assez cher, vos potentiels clients pourraient se méfier. En bref, c’est un jeu d’équilibriste qu’il vaut mieux maîtriser. Et n’allez surtout pas croire qu’il vous suffit de prendre votre ancien salaire (si vous étiez salarié) et de le diviser par le nombre de jours travaillés ! Surtout pas. Le calcul du TJM est bien plus subtil que ça.
Que vous soyez en freelance, en portage salarial ou dans les balbutiements de votre future entreprise, vous devez garder à l’esprit que votre taux journalier moyen est une boussole. Il reflète votre valeur, mais aussi votre fonction, vos charges, votre niveau d’expertise et vos besoins concrets en rémunération.
Je vous propose donc de faire un tour d’horizon de la meilleure façon de calculer votre TJM, sur la base de mon expérience d’indépendante plutôt conséquente.
Le TJM n’est pas qu’un chiffre, c’est un révélateur
Quand vous affichez votre TJM, vous ne vendez pas uniquement une journée de travail. Vous positionnez votre entreprise, vous affirmez votre fonction et vous vous donnez une valeur.
Votre taux journalier moyen doit d’abord correspondre à vos besoins réels. Cela inclut le paiement de vos cotisations sociales, la prise en compte de vos charges professionnelles, la génération d’un revenu suffisant pour vivre, etc. Pensez bien que vous ne facturez pas tous les jours du mois. Pour ma part, j’en facture 20, et je sais que j’ai beaucoup de chance comparé à d’autres freelances qui sont plutôt sur une moyenne de 12 à 15 selon les périodes. Pourquoi ? Tout simplement parce que les journées non facturées existent. Temps administratif, prospection, formation, gestion de projet, congés, ou encore creux dans l’activité. Les raisons sont multiples.
Un bon calcul de TJM doit donc tenir compte de l’équilibre entre vos ambitions, vos contraintes et votre marché. Vous devez penser comme une société et non comme un simple travailleur indépendant. Parce qu’un freelance sous-estimé, c’est un freelance épuisé, croyez-moi.
Beaucoup de consultants débutants copient un TJM vu au hasard sur une plateforme. Et je suis bien placée pour le savoir puisque je l’ai fait pendant un temps. Mais c’est une très mauvaise idée, car votre secteur, vos compétences, votre niveau et même vos clients peuvent être significativement différents. C’est pour cette raison que votre TJM doit être personnalisé.
Quels éléments intégrer dans le calcul du TJM ?
Entrons dans le vif du sujet et voyons comment calculer votre TJM de manière réaliste. Pour ma part, il m’a fallu plusieurs années pour réussir à m’auto-évaluer correctement. Pendant très longtemps, j’ai sous-estimé mes services, et c’est une erreur que je peux peut-être vous éviter.
En premier lieu, posez noir sur blanc le revenu mensuel brut que vous visez. J’insiste, je parle bien de brut, et non de net. La raison est simple et se résume à votre statut juridique (EURL, SASU, micro-entreprise, portage, etc.) qui peut impliquer des cotisations différentes. De même, n’oubliez pas que ce montant doit intégrer vos dépenses personnelles non couvertes par une entreprise classique (mutuelle, retraite, congés, formation, etc.).
Ensuite, ajoutez vos charges fixes. Il peut s’agir de logiciels, d’une assurance, de vos frais de comptabilité, de votre loyer si vous avez un bureau, de vos abonnements à des transports, etc.
Puis, estimez le nombre de jours facturables par mois. Si vous comptez travailler 220 jours par an, en retirant les congés, les journées de prospection, les pauses nécessaires pour ne pas finir en burn-out, vous tournerez probablement à une moyenne de 15 ou 17 jours facturés par mois. Voici une formule simple à retenir :
(revenu brut mensuel visé + charges mensuelles fixes) / nombre de jours facturables par mois
À ce stade, vous devriez obtenir une première ébauche de TJM brut, auquel vous devez encore appliquer votre taux de cotisations selon votre statut. En portage salarial, par exemple, vous devez généralement viser 30 % de plus que le TJM net souhaité. Également, en micro-entreprise, vous devez tenir compte des charges sociales (qui vont atteindre jusqu’à 26 % en janvier 2026) et de l’impôt si vous avez opté pour le versement libératoire.
Parce qu’un exemple vaut parfois mieux que mille mots :
Vous voulez vous verser 3 500 € brut par mois, mais vous avez 500 € de charges et vous facturez 14 jours par mois.
→ (3500 + 500) ÷ 14 = 285.
Le TJM minimum que vous devez viser est de 285 €. Mais attention, si vous êtes en société, avec 45 % de charges sociales, votre TJM réel est plus proche de 500 €.

Certains secteurs admettent des écarts de TJM jusqu’à 300 % selon l’expérience, la spécialisation ou la rareté des compétences.
Comment adapter votre TJM à votre secteur et à votre positionnement ?
Votre activité ne vit pas dans une bulle. C’est en effet le marché qui dicte des prix plancher et des prix plafond. Pourtant, je constate tous les jours que beaucoup de freelances bradent leur expertise en pensant attirer plus de clients. Et c’est une erreur stratégique que les indépendants confirmés se tuent à répéter.
Moi aussi, j’ai testé cette approche à mes débuts. Résultat, oui, j’ai eu des missions longues et régulières, mais elles étaient mal payées. Vraiment très mal payées. Sans compter que mes clients avaient tendance à me prendre pour une salariée. Aujourd’hui, je suis bien plus chère que par le passé, mais mon TJM reflète à la fois mes compétences, mes connaissances, mon expérience et le secteur dans lequel j’évolue.
Si vous êtes sur une fonction de niche ou avec une valeur ajoutée forte, vous pouvez viser plus haut. Un consultant IA, un expert SEO senior ou un copywriter aguerri peuvent facturer 600, 700, voire 1 000 € la journée. L’essentiel est de pouvoir justifier ce tarif.
À l’inverse, si vous êtes junior ou généraliste, mieux vaut partir sur un TJM raisonnable et montez progressivement avec vos missions réunies.
Et surtout, ne négligez pas la veille tarifaire. Regardez les profils similaires au vôtre sur des plateformes comme Malt ou même LinkedIn, et comparez-vous sans vous aligner aveuglément.
Assumer votre TJM face au client : le véritable enjeu
Fixer votre TJM, c’est une chose, mais l’assumer face à un client, c’en est une autre. La tentation est forte, surtout au début, de dire que vous pouvez vous adapter à son budget. Sauf que là encore, c’est une erreur.
Vous savez quelle est la chose que j’ai apprise en 17 ans d’expérience ? C’est qu’un tarif trop bas dévalorise votre travail. Or, ce sont souvent ces clients-là, ceux pour lesquels vous baissez votre prix, qui vont vous en demander le plus.
Depuis que j’annonce clairement mon taux journalier moyen, je filtre bien mieux mes collaborations et, surtout, je suis respectée par mes clients.
N’allez donc pas croire que vous vous rendez service en rognant sur votre TJM. Soyez plutôt capable d’expliquer le montant que vous demandez. Parlez de vos résultats passés, de vos compétences et de la valeur que vous livrez.
Vous l’aurez compris, le TJM n’est pas qu’un simple chiffre que vous pouvez décider en un claquement de doigts. Il est au cœur de l’économie de votre activité et de votre autonomie. Mal l’estimer, c’est courir vers la fatigue, les regrets et possiblement l’échec. À l’inverse, bien le calculer vous offre la liberté de choisir vos missions, d’attirer de bons clients et de vivre dignement de votre expertise. Ne négligez donc pas cette étape. Prenez le temps de poser vos chiffres et d’analyser votre secteur, tout en assumant la valeur de votre travail. Ce n’est pas parce que vous êtes indépendant que vous devez vous contenter de survivre. Au contraire.