Au démarrage de l’activité, de nombreux dirigeants et créateurs d’entreprise sont prêts à différer leur salaire pour favoriser l’investissement et ne pas accabler les comptes de la société. D’autre part, la SASU (société par actions simplifiée unipersonnelle) peut, pour son président associé unique, constituer un “side project” en parallèle d’un contrat de travail dans une autre entreprise. Dans cette situation, le président peut juger opportun de ne pas se rémunérer d’autant qu’il bénéficie déjà d’une protection sociale du fait de son contrat de travail. Mais est-il possible de fournir un travail sans recevoir de salaire en contrepartie en tant que président de SASU ?
Pour répondre à cette question, il convient avant tout de se pencher sur la nature du contrat liant le président d’une SASU à la société.
Président de SASU : comment faire pour percevoir une rémunération ?
Il convient de distinguer le mandat social du contrat de travail, pour ensuite analyser le régime de la rémunération en découlant.
Dividende ou salaire : distinction entre un mandat social et un contrat de travail
Communément, la confusion est souvent faite (certainement à cause du terme “rémunération”) entre le mandat social d’un dirigeant de société et un contrat de travail.
En pratique, le contrat de travail est un contrat liant un employeur avec un employé qui met son activité professionnelle au profit de l’employeur sous un lien de subordination. La subordination est l’élément essentiel du contrat de travail : sans lui, le contrat s’apparente à un contrat de prestation de service classique dans la plupart des cas.
Pour qu’il y est contrat de travail, il faut donc un rapport d’autorité entre deux personnes : l’employé et l’employeur.
Ainsi, si la qualification de contrat de travail est retenue, c’est tout le droit du travail qui s’applique avec tous ses grands principes tels que le SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance), durée légale du travail, congés payés, fiscalité au barème progressif de l’impôt sur le revenu …
Dans ces circonstances, il apparaît impossible d’envisager l’absence de rémunération pour un président de SASU.
Or, il n’en est rien. Conformément à la loi, le président de SASU n’est pas lié par un contrat de travail à l’entreprise mais par un contrat de mandat. En réalité, c’est le lien de subordination qui fait défaut : la SASU n’exerce pas un rapport d’autorité sur le président, elle ne lui donne pas d’ordres d’autant que c’est le président à travers son pouvoir de représentation qui va traduire la volonté de la SASU en tant que personne morale. Pour faire simple, le président ne peut, en principe, exercer une subordination sur lui même.
En tout état de cause, le gérant de SASU (et tout autre personne détenant un mandat de direction dans une société) est mandataire social (et non salarié). Il a la capacité de représenter la société en toutes circonstances et d’engager cette dernière dans les limites fixées par les statuts et l’objet social.
Puis-je être salarié de ma SASU ?
Dès lors, le droit du travail ne s’applique pas puisqu’il ne s’agit pas d’un contrat de travail. Le SMIC et les autres prescriptions en découlant ne revêtent pas un caractère impératif : le président de SASU n’est donc pas obligatoirement rémunéré au titre de son mandat social. Donc, la rémunération de ces créateurs d’entreprise en SASU peut-être :
- fixe
- variable (indexé sur la performance objective de l’entreprise ou d’autres critères objectifs)
- fixe et variable
- inexistante
Toutefois, par exception, cet entrepreneur peut cumuler un contrat de travail avec son mandat social à condition qu’il ne soit pas l’actionnaire unique de la SASU. En outre, pour cumuler son mandat avec un contrat de travail, il faut :
- que les fonctions salariales soient distinctes des fonctions de direction
- un lien de subordination
- une rémunération distincte au titre du contrat de travail
Frais, mutuelle et protection sociale : Quel salaire minimum se verser en SASU pour faire face aux charges ?
Ce sont les statuts qui vont définir le montant de la rémunération des créateurs d’entreprise en SASU. Seul l’actionnaire (qui est le plus souvent président de la SASU) peut choisir la rémunération de l’entrepreneur président de SASU. À ces fins, la décision devra être consignée dans un procès verbal des décisions de l’actionnaire unique transmis au greffe pour opérer la modification statutaire.
Néanmoins, la rémunération d’un gérant de SASU est soumis aux cotisations sociales lui permettant de bénéficier de prestations sociales. Ne pas se rémunérer au titre de son mandat empêche donc le président d’avoir une protection sociale.
Le sort de la protection sociale du président en fonction de sa rémunération
Le président de SASU est assimilé salarié c’est à dire que le montant de sa rémunération est soumise aux mêmes cotisations sociales qu’un salarié et qu’il bénéficie d’une protection similaire à l’exception de l’assurance chômage. Cette manière de procéder est généralement très pratique et constitue une solution pour l’associé unique qui créé son entreprise.
La protection sociale de l’associé unique va dépendre de son niveau de rémunération. Ainsi, plus le dirigeant de l’entreprise perçoit un salaire élevé et plus il bénéficie d’une protection sociale importante. Cela aura également un impact sur la validation de ses trimestres de retraite.
Quel statut social du dirigeant de SASU en l’absence de rémunération ?
Il apparaît logique qu’en l’absence de cotisation le président de la SASU ne peut bénéficier d’une protection sociale.
Cependant, s’il ne peut prétendre à la validation de trimestres pour sa retraite, il peut néanmoins bénéficier sous certaines conditions d’une assurance maladie minimum au moyen de la PUM (protection universelle maladie) remplaçant la CMU depuis le 1er janvier 2016.
Cette couverture reste relativement basique et ne saurait constituer un régime viable sur le long-terme.
Si le président non rémunéré a opté pour le maintien des ARE (aides à la reprise de l’emploi), il continue de bénéficier de sa couverture sociale d’ex-demandeur d’emploi pendant toute la durée de ses droits.
En outre, le président peut exercer en parallèle une activité salarié dans une autre entreprise. Dans ce cas, il bénéficie de la protection sociale issue de son contrat de travail. Dans tous les cas, la question se pose en amont de savoir quel choix stratégique privilégier en fonction de ses intérêts, notamment financiers.
En cas de rémunération : Président de SASU et sécurité sociale
Lorsque le président se rémunère, il existe un seuil à partir duquel ce dernier peut prétendre aux avantages sociaux découlant de sa rémunération. Par exemple :
- Pour valider un trimestre de retraite, il faut avoir perçu au minimum 1500 euros en un trimestre,
- Pour le remboursement des soins pendant 2 ans : il faut soit avoir perçu 600 euros sur un mois ; ou 1200 euros sur 3 mois ; ou 4000 euros pour une année civile.
D’autres seuils et montants spécifiques sont prévus pour les indemnités journalières (maladie et maternité).
Enfin, pour rappel, le président de SASU n’a pas droit à l’assurance chômage du régime général. Il peut toutefois souscrire à une assurance privée pour se prémunir contre le risque de la perte de son emploi.
Les modes de rémunération alternatifs du président de SASU
Ceci étant exposé, le président peut choisir d’autres modes de rémunération :
- les dividendes,
- la facturation de prestations via une auto-entreprise.
Calcul des dividendes pour le gérant de la SASU
Le président actionnaire unique de SASU peut choisir de privilégier une rémunération en sa qualité d’actionnaire plutôt qu’en sa qualité de président. Dans ces conditions, à la fin de chaque exercice, il pourra décider de se distribuer les bénéfices nets (après paiement de l’impôt sur les sociétés sauf en cas d’option IR) réalisés par l’entreprise sous la forme de dividendes.
L’avantage des dividendes résident dans l’absence de cotisations sociales. Néanmoins, les dividendes sont soumis aux prélèvements sociaux au taux de 15,5% (17,2% à partir du 1er janvier 2018). En outre, d’un point de vue fiscal, les dividendes perçus sont imposés entre les mains de l’actionnaire après un abattement de 40% (contre 10% pour les revenus tirés du mandat social). D’un point de vue strictement financier, ce mode de rémunération est très intéressant.
Toutefois, si le président ne se rémunère qu’en dividendes, il ne pourra bénéficier des avantages sociaux du fait de son absence de cotisations. Ce mode de rémunération est donc à privilégier si :
- il bénéficie d’un contrat de travail en parallèle
- il est bénéficiaire des ARE (Aide de retour à l’emploi)
La facturation via une auto-entreprise du TNS (travailleur non salarié)
L’auto-entreprise est une solution intéressante pour plusieurs raisons. Elle a pour avantage principal de proposer des taux de cotisations relativement bas (23,7% du chiffre d’affaires pour les prestations de services) tout en assurant une protection sociale équivalente à celle d’un travailleur non salarié (TNS). L’entrepreneur est imposé fiscalement au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
L’idée est ici de cumuler à la fois l’auto-entreprise et le mandat de président de SASU. La SASU étant une personne juridiquement distincte de celle de l’auto-entrepreneur, il s’agit de facturer la SASU comme si elle était cliente d’une prestation.
Attention : la prestation fournie à la SASU doit être :
- réelle
- réalisée à des conditions normales (tarifs, engagement…)
- dans l’intérêt de la SASU
- distincte des prestations inhérentes à l’exercice des fonctions de direction
Cette méthode peut présenter de nombreux intérêts et est parfois une bonne solution au démarrage de l’activité. Elle permet :
- d’éviter d’accabler les comptes de la société avec une rémunération fixe : le président en tant que prestataire peut moduler plus facilement sa rémunération en choisissant de facturer ou non certaines prestations fournies à la SASU.
- de bénéficier tout de même d’une protection sociale vu que le président cotise via l’auto-entreprise en tant que TNS. En fonction du montant de l’impôt sur le revenu (selon le barème progressif), les droits seront plus ou moins élevés.