Quand on se lance dans la création d’une entreprise, on a mille choses en tête parmi lesquelles le produit, le business model, la ligne éditoriale, le logo, le nom de domaine, etc. Et au milieu de cette effervescence, une question revient assez souvent chez les jeunes entrepreneurs : faut-il déposer sa marque dès la création de l’activité ? Est-ce une étape prioritaire ou une formalité qui peut être repoussée ?
Je vous propose de faire le point ensemble pour comprendre l’intérêt stratégique, ou non, du dépôt de marque au moment où votre projet d’entreprise prend vie. Après tout, une marque n’est pas juste un mot accrocheur ou un joli logo. C’est aussi un actif de votre entreprise et un élément de propriété intellectuelle qui peut vous protéger… ou vous coûter cher.
Le dépôt de marque : un rempart stratégique pour votre entreprise
Créer une entreprise implique obligatoirement de lui donner un nom. Ce dernier figure dans les formalités d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) et devient la dénomination sociale de votre société. Mais attention, cela ne suffit pas à protéger ce même nom. En effet, il peut très bien être repris ou contesté par une personne qui a déposé une marque identique ou similaire avant vous.
Inutile de dire que le dépôt d’une marque auprès de l’INPI est la seule démarche qui vous confère un véritable droit exclusif d’exploitation sur ce nom, et ce, dans un ou plusieurs secteurs d’activité (que l’on appelle les classes). Il doit être composé d’un signe distinctif, qu’il s’agisse d’un mot, d’une image, d’un logo, d’une combinaison de couleurs, ou de tout ce qui peut permettre d’identifier vos produits ou services.
Et n’allez pas croire que ce n’est qu’une protection symbolique ! Loin de là. Une marque déposée est un titre de propriété industrielle, comme un brevet. Elle vous permet de faire opposition à un concurrent qui essaierait de l’utiliser, de revendiquer votre antériorité et de vous défendre en cas de contrefaçon. C’est aussi un excellent levier pour valoriser votre activité, car après tout, une marque déposée fait partie des actifs de votre entreprise. Elle peut donc être cédée, licenciée, voire apportée au capital lors d’une levée de fonds.
En d’autres termes, en ne déposant pas votre marque, vous prenez le risque de bâtir toute votre stratégie de communication sur un nom qui ne vous appartient pas vraiment.
Comment vérifier que votre marque est disponible avant de la déposer ?
Beaucoup d’entrepreneurs pensent qu’ils sont protégés dès lors qu’ils ont réservé un nom de domaine ou que leur raison sociale a été acceptée par le RCS. Mais c’est faux. C’est même complètement faux. Le RCS n’effectue aucune vérification sur la disponibilité juridique d’un nom de marque. Et l’INPI non plus, par ailleurs. C’est bien à vous de faire cette démarche en amont, avant l’enregistrement.
Vous devez donc commencer par effectuer une recherche d’antériorité. Vérifiez que le nom que vous souhaitez utiliser n’est pas déjà déposé, soit en tant que marque, soit comme nom de société ou nom de domaine, ou même comme nom d’artiste ou titre d’œuvre protégé par un droit d’auteur. Ne vous contentez pas non plus de faire une simple recherche à l’identique. Il faut absolument vérifier les similarités orthographiques, phonétiques ou intellectuelles.
Concrètement, cela signifie que même si votre marque ne s’écrit pas de la même façon qu’une autre, elle peut être jugée trop proche par un tribunal si elle prête à confusion dans l’esprit du public.
Je vous recommande vivement d’utiliser les bases de données de l’INPI pour vos vérifications, de même que les noms déposés sur Infogreffe, les extensions de domaine sur le Web, et les plateformes européennes comme l’EUIPO (pour les dépôts au niveau de l’Union européenne). Mieux encore, faites appel à un professionnel du droit de la propriété intellectuelle pour une analyse approfondie, surtout si votre activité cible un marché concurrentiel.
Pourquoi déposer votre marque dès la création de votre activité ?
Il peut être tentant d’attendre un peu et de ne pas déposer sa marque dès le lancement de son activité, notamment lorsqu’on est en micro-entreprise, que l’on teste encore son positionnement, ou que le budget est serré. Mais dans bien des cas, attendre signifie s’exposer à des risques coûteux.
Parce qu’un exemple vaut mieux que mille mots, projetons-nous un peu. Vous lancez votre site internet, vous créez votre identité visuelle, vous imprimez des supports et vous développez une communauté autour de votre marque, mais un jour, une mise en demeure d’un titulaire de droits vous accuse de contrefaçon. Pire encore, vous vous confrontez à une personne qui dépose votre marque avant vous (une arnaque très répandue). Dans ces deux cas, vous êtes obligé de tout recommencer, en changeant le nom de votre entreprise, vos logos, votre communication, etc. C’est un cauchemar pour n’importe quel entrepreneur.
Vous comprenez donc pourquoi déposer votre marque dès le départ vous permet de verrouiller votre identité sur le long terme. Vous avez une date officielle de dépôt, qui fait office de preuve en cas de litige, et donc un droit opposable ainsi que la possibilité d’étendre votre protection à l’Union européenne si votre projet grandit.
Par ailleurs, si vous envisagez de vendre un jour votre société ou de faire entrer des investisseurs, avoir une marque déposée rassure sur la solidité juridique de votre projet. Cela montre que vous avez anticipé, structurez votre activité et protégez vos droits bien en amont.
Une fois déposée, une marque doit être utilisée dans les 5 ans, sous peine de déchéance des droits pour non-exploitation.
Quelles démarches pour déposer une marque en France ?
Le dépôt d’une marque se fait toujours auprès de l’INPI, l’institut national de la propriété intellectuelle. La démarche est intégralement en ligne et relativement simple, même si elle nécessite d’être précis sur plusieurs points.
En premier lieu, vous devez définir le signe que vous souhaitez protéger. Comme nous l’avons vu précédemment, il peut s’agir d’un mot, d’un logo, d’un slogan ou même d’un son tant qu’il est distinctif. Dans tous les cas, ce signe ne doit pas être descriptif, générique ou contraire à l’ordre public.
Ensuite, vous devez choisir les classes dans lesquelles vous souhaitez enregistrer votre marque. À noter qu’il en existe 45 au total et qu’elles couvrent tous les types de produits et services.
Bon à savoir : Le choix des classes est stratégique, car vous ne serez protégé que dans les domaines que vous avez sélectionnés. Inutile donc de tout cocher (d’autant plus que cela vous coûterait très cher), mais il ne faut pas passer à côté de votre cœur de métier. Un conseil, faites une cartographie précise de votre activité et des extensions possibles avant de finaliser votre demande.
Une fois votre dépôt effectué, un délai d’opposition de deux mois s’ouvre, pendant lequel des tiers peuvent s’opposer à votre enregistrement. Si tout se passe bien et que personne ne se manifeste, votre marque est officiellement enregistrée et vous obtenez un certificat. Elle sera protégée durant 10 ans, renouvelables indéfiniment.
Sachez pour finir que le coût du dépôt en France est d’environ 190 € pour une classe, puis de 40 € par classe supplémentaire. Évidemment, au niveau européen, le tarif est plus élevé.
Vous l’aurez compris, déposer votre marque dès la création de votre entreprise n’est pas une simple formalité administrative que vous pouvez remettre à plus tard. En fonction de votre activité et de vos projets, c’est un acte stratégique de protection, de valorisation et de sécurisation. Si vous comptez investir dans votre identité et votre stratégie marketing, mieux vaut l’envisager dès le début de votre aventure. Croyez-moi, ce n’est pas une démarche réservée aux grandes entreprises ou aux start-ups qui font des levées de fonds. Même en micro-entreprise, même en étant entrepreneur solo, votre marque est un pilier de votre business. Autant ne pas la laisser sans défense !
