Créer une entreprise quand on est neuroatypique, c’est comme essayer d’écrire un business plan en équilibre sur un fil, avec un chat qui miaule, un enfant qui pose des questions existentielles, et votre cerveau qui décide que c’est peut-être le bon moment pour réfléchir au design de votre futur site Web. Tout ça en même temps, évidemment. Bref, c’est compliqué.
Mais n’allez pas croire que c’est impossible, j’en suis la preuve et vivante. Que vous soyez autistes, TDAH, HPI, dys, ou simplement en questionnement sur votre fonctionnement, je vous propose de vous transmettre quelques conseils, ressources et astuces pour mettre en place une stratégie d’approche qui vous facilite la vie. Pas de discours culpabilisant ni de conseil type « il suffit d’être organisé ». On va faire avec ce qu’on est.
Ce que la paperasse déclenche et pourquoi ce n’est pas de la flemme
Il faut le dire une bonne fois pour toutes, la paperasse est le plus souvent un système illogique, organisé autour de tâches floues et d’une communication institutionnelle généralement absurde. En tant que personne neuroatypique, c’est le cadre parfait pour :
- faire preuve d’une procrastination à toute épreuve dès qu’un formulaire entre en jeu ;
- subir une fatigue cognitive intense devant un texte administratif aussi rigide qu’une planche ;
- avoir des problèmes d’attention dès lors qu’il faut lire 40 pages de notice pour un simple formulaire CERFA ;
- rencontrer des blocages sensoriels ou émotionnels (surcharge, découragement, envie de fuir très loin avec vos animaux, etc.).
Et non, ce n’est pas un manque de volonté.
C’est une vraie difficulté liée à la façon dont votre cerveau fonctionne. Autisme, TDAH, etc., soyez bien conscient que votre trouble n’est pas une excuse, mais une explication.
Est-il possible de créer une entreprise avec un cerveau hors norme ?
Créer un business, c’est déjà une aventure en soi. Mais alors, quand on est neuroatypique, il faut s’accrocher et construire une stratégie parallèle rien que pour survivre à la phase de la déclaration d’activité. Je sais ce que c’est, j’y suis passée.
Je vous ai donc listé tout ce qui m’a aidée et ce qui m’aide encore pour franchir l’épreuve de la paperasse administrative sans finir en boule sous un plaid.
Repenser la forme
Ça peut paraître contre-productif, mais la première chose que j’ai faite, c’est changer la forme de ladite paperasse. Et ce n’est pas si bête, parce qu’après tout, quand le texte administratif vous donne des sueurs froides, le reformater est libérateur.
Pour ma part, je réécris les étapes en version simple, avec des listes à puces, en demandant à Chat GPT de décoder certains passages obscurs. J’utilise aussi des codes couleurs pour repérer ce qui est urgent, en attente, ou fait.
De même, je scinde mes documents en blocs visuels, un peu comme pour le design d’un site Web. Et puis, mon petit secret, c’est indubitablement de coller des post-its partout (vous verriez mon écran…).
Toutes ces petites actions ont pour but d’éclairer votre cerveau sur la marche à suivre et de le sortir du marécage brumeux rempli d’injonctions administratives désagréables.
Créer un système ultra-personnalisé
Votre cerveau n’aime pas les règles des autres ? Parfait. Faites votre propre système.
Par exemple, créez-vous un classeur (physique ou numérique) avec vos documents triés par thème. Utilisez une to-do-list centrée sur vous (et non sur ce que les autres attendent). Automatisez tout ce que vous pouvez grâce aux nombreux outils et services disponibles en ligne (rappels de factures, etc.).
Il peut aussi être judicieux de trouver des ressources qui vous parlent, comme des tutos visuels, des posts sur les réseaux, etc. Une chose est sûre, plus vous adapterez le système à votre fonctionnement personnel, plus vous éviterez le crash.

Le désordre apparent peut cacher un système très personnel mais efficace, surtout pour les cerveaux neuroatypiques.
Jouer avec vos points forts
J’ai toujours dit autour de moi que si les difficultés dues à ma neuroatypie étaient bien réelles, ce type de fonctionnement avait aussi quelques avantages qu’il ne faut pas ignorer.
Déjà, on a souvent une communication plus directe, et c’est autant de temps gagné (pour les mails, le téléphone, etc.). De même, j’ai pour ma part une mémoire visuelle impressionnante qui me permet d’optimiser l’utilisation d’outils tels que Notion ou Trello, façon design graphique.
Mais c’est surtout ma capacité à entrer en hyperfocus qui est la plus intéressante, puisqu’elle me permet d’être bien plus productif qu’à l’accoutumée (souvent, c’est le moment tout indiqué pour programmer un épisode intense de paperasse et se récompenser par la suite).
Déléguer tout ce qui peut l’être
J’ai l’impression de souvent me répéter quand je parle de ce sujet, mais il faut accepter de ne pas tout faire seul. Parfois, c’est même vital.
En matière de démarches administratives, je me suis souvent fait aider par un proche (à commencer par mon mari). À ce titre, vous pouvez même potentiellement vous associer. Et dans les cas les plus compliqués, je fais appel à des professionnels ou des plateformes qui peuvent centraliser les démarches pour moi. Certes, c’est un investissement (et j’ai conscience que tout le monde ne peut pas se le permettre), mais lorsque c’est possible, l’économie sur l’énergie mentale est significative.
La seule règle à retenir c’est qu’il ne faut pas culpabiliser de s’entourer. Au contraire. C’est une force et non un aveu d’échec (échec qui est d’ailleurs un passage obligé de tout entrepreneur).
Accepter que tout ne soit pas parfait
La chose la plus compliquée pour moi qui suis TDAH et autiste, c’est sans doute de lâcher prise. J’ai la fâcheuse tendance à vouloir que tout soit parfait, et je sais de source sûre que de nombreuses personnes dans ma situation sont dans le même cas de figure. Or, c’est une très mauvaise stratégie.
Il faut accepter que certains jours, rien ne se fasse. Accepter que notre comportement soit atypique et qu’il ne réponde pas à ce qu’on attend de nous. Accepter que notre santé mentale passe avant le reste.
Bien entendu, il ne faut pas tout repousser éternellement. Par contre, il faut apprendre à placer ses limites, à son rythme, et à respecter son type de fonctionnement unique.
S’ouvrir aux autres neuroatypiques
Grâce aux réseaux sociaux, j’ai vite compris que je n’étais pas la seule à fonctionner différemment, y compris avec ma paperasse. Je ne compte plus le nombre de « je croyais être seul à ressentir ça », « je pensais que j’étais nul, alors que je n’étais juste pas préparé », etc.
Aujourd’hui, il existe de nombreux comptes Instagram ou créateurs de contenu qui parlent de neuroatypie, et parfois même d’entrepreneuriat quand on est neuroatypique. Et le travail de ces gens est précieux pour mieux se comprendre soi-même et mettre en place des solutions concrètes afin de pallier les problématiques qui sont les nôtres.
Et puis, paradoxalement, partager vos galères et lire celles des autres fera de la place dans votre tête.
En bref, vous avez tout à fait le droit d’entreprendre autrement. Être neuroatypique, c’est forcément avancer avec un autre regard. Or, ça demande de repenser le système, d’écouter vos difficultés, de créer votre propre ligne droite dans un monde qui vous laisse naturellement sur le bas-côté. Mais sachez qu’à mon sens, ce regard différent est souvent ce qui fait la force d’un bon entrepreneur.