S’il y a bien une chose que j’ai apprise à mes dépens, c’est que choisir un nom d’entreprise est à la fois grisant et angoissant. On veut une dénomination forte, un signe distinctif qui marque les esprits, et quand on y arrive enfin, on oublie trop souvent une étape très largement sous-estimée : la protection. Et pourtant, croyez-moi, rien n’est plus frustrant que de voir quelqu’un utiliser ce que vous avez imaginé avec sueur et passion. Oui, ça m’est arrivé durant mes jeunes années d’entrepreneuse. C’est à cette époque que j’ai compris qu’un nom n’est pas juste une étiquette que l’on peut changer à sa guise. Quand vous communiquez avec lui de manière efficace, il finit par faire partie intégrante de votre réputation, de votre société et de votre activité en général.
Mais alors, comment protéger le nom de son entreprise efficacement ? Même si j’ai aujourd’hui opté pour mon simple patronyme, je vais vous guider étape après étape sur ce que je sais en la matière.
Commencez par comprendre ce que vous protégez réellement
Dénomination sociale, nom commercial ou marque, quand on débute, il n’est pas toujours simple de distinguer les nuances entre tous les termes utilisés à droite et à gauche. Pourtant, chaque mot a une définition juridique qui lui est propre et peut ouvrir des droits différents.
Pour commencer, la dénomination sociale s’attache à la vie de la société. C’est elle qui figure dans l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, et c’est elle encore qui identifie votre entreprise auprès du public (si vous ne prenez pas de nom commercial), des banques et de l’administration fiscale. Elle existe dès la création de votre structure, tous statuts juridiques confondus (SARL, SAS, etc.), exception faite de l’auto-entreprise (obligatoirement au nom de l’auto-entrepreneur).
De son côté, le nom commercial s’adresse au public. C’est donc celui sous lequel vous exercez vos activités et celui pour lequel vous êtes connu. D’ailleurs, la plupart du temps, c’est le nom commercial qui circule le plus dans vos services.
Enfin, la marque (qui est, la plupart du temps, le nom commercial de l’entreprise) est sans doute l’arme la plus puissante d’une société, puisqu’elle ouvre droit à la propriété intellectuelle sur les noms, les logos, les slogans, etc. Sauf que pour créer une marque dans les règles de l’art, vous devez obligatoirement passer par un dépôt à l’INPI, sous peine d’être victime d’un usage abusif de cette dernière par un concurrent. Or, c’est ici que beaucoup d’entrepreneurs se trompent. Non, il ne suffit pas de faire immatriculer sa société pour être protégé. Peu importe l’antériorité de l’usage, rien ne remplace un enregistrement officiel à l’INPI.

En 2024, l’INPI a enregistré 90 874 demandes de marques en France.
Par quelles étapes sécuriser le nom d’entreprise ?
Avant de foncer tête baissée dans la protection de votre nom d’entreprise, sachez qu’il y a tout de même quelques étapes incontournables à respecter.
En premier lieu, vous devez procéder à la recherche d’antériorité. Beaucoup d’entreprises se lancent avec enthousiasme et se retrouvent face à un concurrent qui a déjà déposé leur nom. Et ça, c’est le pire des scénarios, surtout si vous avez déjà commencé à communiquer publiquement. Pour vous assurer que ce n’est pas le cas, sachez que l’INPI propose une base de données en ligne où vous pouvez vérifier la disponibilité d’un nom, d’un logo ou d’une combinaison. C’est gratuit et ça doit être votre premier réflexe.
Vient ensuite le moment du choix des classes. Mais qu’est-ce qu’une classe ? Il s’agit tout simplement d’une catégorie de produits ou de services rattachée à votre activité. Par exemple, si vous vendez des vêtements, mais que vous proposez aussi des services de formation en ligne, ce ne sont pas les mêmes classes. Et soyez vigilant, car le dépôt ne vaut que pour les classes que vous sélectionnez.
Une fois ces deux étapes terminées, vous pouvez passer au dépôt officiel. À ce stade, tout se fait en ligne, sur le site de l’INPI. Vous remplissez un formulaire, vous décrivez vos activités commerciales et vous joignez le signe à enregistrer. Vous devez évidemment payer des frais (à partir de 190 € pour une classe, puis 40 € par classe supplémentaire). Le téléchargement de votre dossier se fait directement depuis votre espace internet.
À partir de là, vous n’avez rien à faire d’autre que patienter. Plusieurs semaines vont en effet s’écouler pendant lesquelles l’INPI va vérifier la définition de votre dénomination et s’assurer qu’elle respecte l’ordre public (ou qu’elle n’induit pas le public en erreur). Il faut compter environ 5 mois pour un enregistrement complet, en sachant que pendant ce temps, vos concurrents peuvent formuler une opposition si leur marque est antérieure. D’où l’importance de la recherche préliminaire !
Pourquoi la protection du nom d’entreprise est indispensable ?
Même si nous avons déjà évoqué le principal argument précédemment, revenons sur les raisons qui doivent vous motiver à vous donner autant de mal.
Concrètement, un nom protégé est un atout aussi précieux qu’un brevet ou que n’importe quelle licence.
D’une part, la marque déposée vous confère un droit exclusif d’utilisation (vous pouvez interdire l’usage par un tiers, engager une action commerciale ou juridique contre un concurrent, etc.). Or, sans enregistrement, vous n’aurez que de fragiles arguments face à la justice.
D’autre part, le nom protégé de votre entreprise devient un actif intangible. Il peut être cédé, licencié, ou même apporté en capital. Une société peut tout à fait décider de racheter la vôtre pour profiter de la force de votre marque, et non de l’activité en elle-même. Autant dire que sans un dépôt en bonne et due forme, vous perdez cet avantage.
Dans tous les cas, rien n’est pire que de bâtir une société, de dépenser en communication et de recevoir une mise en demeure parce que votre nom est déjà déposé. Il existe de nombreux précédents d’entreprises qui ont dû changer d’enseignes après des années d’usage, parce qu’un petit malin avait eu l’idée de le faire à leur place. Non seulement c’est coûteux, mais c’est aussi très humiliant et potentiellement destructeur pour l’activité.
Vous l’aurez compris, si vous ne protégez pas le nom de votre entreprise, vous prenez un risque inutile. Si dans le monde de l’entrepreneuriat, il existe des risques stratégiques, il reste tout de même préférable d’éviter celui-là. Derrière un simple dépôt à l’INPI, il y a des droits juridiques, une valeur commerciale, une crédibilité et une sécurité non négligeable. Vous avez investi du temps, des idées et de l’énergie dans la création de votre société ? Alors, donnez-lui le blindage qu’elle mérite.