Le statut d’entrepreneur individuel

Le statut d’entrepreneur individuel a connu quelques changements (et pas des moindres) durant l’année 2022. Découvrez-les et suivez les conseils d’Agence Juridique !
Sommaire

L’entreprise individuelle est un statut juridique qui possède bien de nombreux atouts. Elle bénéficie ainsi en France d’une grande popularité : ce ne sont pas moins de 10000 entreprises individuelles qui sont créées chaque mois dans le pays.

L’entreprise individuelle a fait en 2022 l’objet d’une refonte législative importante. Responsabilité de l’entrepreneur, statut social et fiscal, administratif : ce texte modifie le statut en profondeur.

Afin d’y voir plus clair, Agence Juridique vous propose de se pencher sur le nouveau statut de l’entreprise individuelle !

Qu’est-ce qu’une entreprise individuelle ?

Selon l’article L526-22 du Code de commerce, l’entrepreneur individuel est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles. Il s’agit donc d’une forme de structure juridique de l’entreprise qui n’est pas constituée en société et qui est gérée par une seule personne, le propriétaire.

L’entreprise individuelle permet donc d’exercer une activité professionnelle sans devoir créer une entité distincte du chef d’entreprise. L’entreprise individuelle et l’entrepreneur individuel forment alors une seule et même entité. Leurs personnalités juridiques ne sont pas distinctes ; l’entreprise ne dispose pas de la personnalité morale.

Le statut de l’entreprise individuelle est parfaitement adapté aux entrepreneurs souhaitant exercer en autonomie. En effet, avec ce statut, il n’est pas possible d’avoir d’associé. Le chef d’entreprise prend seul les décisions stratégiques, financières et opérationnelles concernant son entreprise.

De plus, les formalités de création d’une entreprise individuelle sont simplifiées. Ce type de structure ne dispose pas d’un capital social (puisqu’elle ne dispose pas de la personnalité morale, elle n’a pas de patrimoine propre). Il n’est donc pas nécessaire de réaliser des apports au capital de l’entreprise individuelle pour finaliser sa constitution. Il n’y a pas non plus de statuts à rédiger ou de formalités de publicité à réaliser, comme c’est le cas lorsqu’on crée une société ou une association.

L’entreprise individuelle est adaptée à de nombreuses activités commerciales, artisanales, industrielles ou libérales. Elle se prête généralement bien aux petites entreprises et activités indépendantes.

Quelles sont les mesures-clés de la loi du 14 février 2022 ?

La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante (ou loi API) modifie en profondeur le statut de l’entreprise individuelle. Il convient de se pencher sur certaines de ses mesures les plus importantes.

La suppression du statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL)

C’est ici la mesure phare de la réforme. La loi du 14 février 2022 crée un statut unique pour l’entrepreneur individuel et supprime ainsi progressivement le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL).

Depuis le 15 février 2022, il n’est donc plus possible de créer une EIRL.

Les principaux avantages de l’EIRL sont cependant repris dans ce nouveau statut d’entrepreneur individuel. On y trouve notamment des mesures plus protectrices du patrimoine personnel de l’entrepreneur.

La protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur

Il s’agit ici de la genèse de la réforme : on cherche à dynamiser l’entrepreneuriat en proposant aux entrepreneurs individuels une protection accrue de leur patrimoine personnel.

L’entreprise individuelle ne dispose en effet pas de la personnalité morale. Avant la réforme, cela voulait dire que le propriétaire était responsable de tous les aspects de l’entreprise, dettes et obligations comprises. Cette responsabilité était illimitée : les créances pouvait alors être recouvrées sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur.

Seul le statut de l’EIRL offrait au porteur de projet l’assurance que ses biens personnels ne seraient pas saisis en cas de difficultés financières de l’entreprise. Ce dernier prévoyait alors un patrimoine d’affectation, c’est-à-dire une liste de biens déclarés comme nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle. La responsabilité de l’entrepreneur était limitée à ce patrimoine dédié.

Principe

La réforme du 14 février 2022 prévoit une séparation du patrimoine personnel et du patrimoine professionnel de l’entrepreneur.

Le patrimoine professionnel désigne tous les biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur est titulaire et qui sont utiles à son activité professionnelle indépendante. Par exemple, si l’entrepreneur utilise son véhicule ou son ordinateur à des fins professionnelles, il fait partie de son patrimoine professionnel.

Bon à savoir : l’article R. 526-26 du Code de commerce énumère certains des éléments susceptibles d’être inclus au patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel. Il en va ainsi du fonds de commerce, du fonds artisanal, des biens meubles (marchandise, outillage) et immeubles servant à l’activité (licences, marques, brevets d’invention, données relatives aux clients etc…).

Tous les autres éléments font partie du patrimoine personnel de l’entrepreneur. Ce patrimoine personnel peut être composé d’éléments actifs (un véhicule, du matériel, des droits de propriété intellectuelle etc…) comme passifs (un emprunt visant à l’achat d’un véhicule).

Au-delà de cette séparation, c’est une véritable insaisissabilité de plein droit du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel qui est instaurée. Le patrimoine personnel de l’entrepreneur devient donc insaisissable par ses créanciers professionnels. En cas d’insolvabilité, les biens personnels de l’entrepreneur ne peuvent donc pas être saisis afin de remplir l’engagement souscrit par ce dernier auprès de ses créanciers. Le créancier dispose donc d’un droit de gage général sur les seuls biens du patrimoine professionnel de l’entrepreneur.

Ce nouveau régime de responsabilité s’applique aux nouvelles entreprises individuelles, c’est-à-dire celles qui ont été créées au moins 3 mois après l’entrée  de la loi le 15 février 2022. Toute entreprise individuelle constituée après le 15 mai 2022 est donc soumise à ce régime de séparation des patrimoines.

Attention aux exceptions !

Dans certaines situations prévues par la loi, la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel ne s’applique pas. Il existe en effet certaines exceptions à la séparation des patrimoines. Il s’agit des cas suivants :

  • Lorsque l’entrepreneur renonce à cette protection au bénéfice d’un créancier professionnel, sur demande écrite de ce dernier, pour un engagement spécifique (dont le terme et le montant est déterminé ou déterminable). L’entrepreneur peut donc donner en garantie à un créancier à titre professionnel certains biens personnels
  • En cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservations graves et répétées de ses obligations fiscales et sociales par l’entrepreneur
  • Le remboursement des créances sociales et fiscales suivantes : la Contribution Sociale Généralisée (CSG), la Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), la Taxe foncière sur les immeubles utiles à l’activité professionnelle
  • Dans le cadre d’une liquidation judiciaire, le tribunal saisi peut condamner l’entrepreneur individuel à payer tout ou partie de l’insuffisance d’actif sur son patrimoine
    personnel

Le régime social de la nouvelle entreprise individuelle

La réforme du 14 janvier 2022 s’assortit également d’une simplification de l’accès à l’Allocation des Travailleurs Indépendants (ATI). Cette aide est désormais disponible aux travailleurs non-salariés qui ont arrêté leur activité car elle n’était plus viable économiquement.

Ce critère de non-viabilité correspond à une baisse d’au moins 30% des revenus déclarés au titre de l’impôt sur le revenu (IR). L’entrepreneur doit obtenir une attestation de non-viabilité justifiant que l’activité n’est plus viable économiquement. Cette dernière doit être émise par un tiers digne de confiance. Il peut s’agir, au choix du travailleur :

  • D’un expert-comptable
  • D’une personne habilitée d’un établissement du réseau consulaire du secteur d’activité dont relève le travailleur indépendant

Afin de bénéficier de l’ATI, il convient donc de remplir les critères suivants :

  1. Justifier d’une baisse d’au moins 30% des revenus déclarés au titre de l’IR via une attestation de non-viabilité ;
  2. Être inscrit à Pôle Emploi ;
  3. Avoir exercé une activité non salariée durant une période minimale ininterrompue de 2 ans au sein d’une seule et même entreprise à la date de cessation d’activité ;
  4. Justifier de revenus antérieurs d’activité d’au moins 10 000 € enregistrés au cours de l’une des deux dernières années d’activité non salariée ;
  5. Avoir des ressources mensuelles inférieures au RSA (moins de 598,54 € par mois pour une personne seule au 1er juillet 2022).

S’il est éligible à l’ATI, l’entrepreneur aura droit à une allocation de 600 à 800€ pendant 6 mois maximum. Ce montant varie selon le montant moyen annuel des revenus d’activité antérieurs perçus sur la durée d’activité concernée.

Le régime fiscal de l’entrepreneur individuel

En matière fiscale, l’entrepreneur individuel est par défaut soumis à l’impôt sur le revenu (IR) dans la catégorie correspondant à l’activité exercée :

  • Bénéfices industriels et commerciaux (BIC) pour les commerçants ou artisans
  • Bénéfices non-commerciaux (BNC) pour les activités libérales
  • Bénéfices agricoles (BA) pour les activités agricoles

La réforme de février 2022 prévoit cependant une nouveauté : l’entrepreneur individuel soumis au nouveau statut peut, s’il le désire, opter pour une imposition à l’impôt sur les sociétés (IS). Un décret du 27 juin 2022 précise les conditions dans lesquelles l’entrepreneur peut formuler cette option :

  • Il doit adresser une notification au service des impôts du lieu de son principal établissement
  • La notification de l’option doit indiquer la dénomination et l’adresse de l’entreprise individuelle, ainsi que ses nom, prénom, adresse et signature
  • La notification doit intervenir avant la fin du troisième mois de l’exercice au titre duquel l’entrepreneur souhaite être imposé à l’IS

La mention « EI » sur les documents professionnels

La dénomination « Entrepreneur individuel » ou « EI » doit être apposée sur tous les documents et correspondances à usage professionnel. Sont concernés de nombreux documents, comme par exemple :

  • les demandes de crédit pour les besoins de l’activité professionnelle
  • les courriers à destination de la clientèle
  • les devis
  • les documents de facturation
  • toute offre à caractère commercial
  • d’une façon générale, les documents précontractuels et contractuels relatifs à l’activité professionnelle indépendante
  • les comptes bancaires que l’entrepreneur dédie à son activité professionnelle

Une transmission facilitée

La loi du 14 février 2022 distingue le patrimoine personnel du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel.

Elle simplifie alors la transmission de l’entreprise individuelle ou sa transformation en société. Elle prévoit en effet la possibilité pour l’entrepreneur individuel de procéder à une transmission universelle du patrimoine professionnel (TUPP). Il est alors possible de consentir à cette transmission à titre onéreux (vente), gratuit (donation) ou par le biais d’un apport en société (si les biens et droits du patrimoine professionnel sont cédés à une société).

Cette transmission s’opère sans qu’il n’y ait lieu de procéder à une liquidation. Le bénéficiaire de la transmission se substitue à l’entrepreneur individuel dans ses rapports d’obligations. L’entrepreneur n’a donc pas besoin de se libérer de ses obligations pour les transmettre.

Quel est l’objectif du nouveau statut d’entrepreneur individuel ? Pourquoi l’EIRL n’existe plus ?

L’objectif de la réforme est simple : elle vise à uniformiser la protection du patrimoine personnel dont bénéficiait l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

L’avantage principal de ce nouveau statut de l’entreprise individuelle réside dans le fait que le patrimoine personnel de l’entrepreneur devient par défaut insaisissable par les créanciers professionnels, alors qu’avant seule la résidence principale était protégée.

Avec la création d’un statut unique, tous les entrepreneurs individuels, et non plus seulement les EIRL, voient leur patrimoine personnel insaisissable par défaut. Il n’est donc plus nécessaire de parler d’entreprise individuelle « à responsabilité limitée ». 

Comment être entrepreneur individuel ?

Étape 1 : dépôt d’un dossier auprès du Guichet Unique

À partir du 1er janvier 2023, la procédure de création d’une entreprise individuelle est simplifiée. Il suffit de réaliser les formalités nécessaires sur le Guichet Unique disponible sur le site de l’INPI.

Ce guichet transmettra votre déclaration auprès des organismes compétents :

  • l’INPI pour l’inscription au registre national des entreprises (RNE) avec l’indication le cas échéant de votre qualité d’artisan ou d’actif agricole
  • le greffe pour l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) si vous êtes commerçant
  • les organismes sociaux et le service fiscal des entreprises dont dépend le siège de votre entreprise

Au démarrage de la formalité, vous devrez sélectionner « Entrepreneur individuel » pour la forme de l’entreprise à créer.

Votre dossier devra s’accompagner de certaines pièces justificatives selon votre situation. On trouve par exemple :

  • Un exemplaire de la Déclaration sur l’honneur de non condamnation et de filiation
  • Une copie recto-verso de la carte nationale d’identité ou du passeport de l’entrepreneur, en cours de validité
  • Une pièce justifiant l’adresse de l’entreprise : justificatif du local commercial (bail commercial, acte de sous-location, acte de cession de droit au bail portant mention de l’enregistrement auprès des impôts…) ; copie du contrat de domiciliation dans une entreprise de domiciliation agréée par la Préfecture ; copie d’un justificatif de domicile de moins de 3 mois aux nom et prénom du gérant (facture d’électricité, quittance de loyer, taxe foncière ou d’habitation…) ou, si l’exploitant est hébergé : une attestation d’hébergement et une copie d’un justificatif de domicile de moins de 3 mois aux nom et prénom de la personne qui héberge.

Attention : si l’activité que vous souhaitez exercer est réglementée, vérifiez que vous remplissez les conditions nécessaires. L’INPI met à votre disposition une page de recherche dédiée.

Étape 2 (facultative) : ouverture d’un compte bancaire dédié

L’entreprise individuelle n’a pas de capital social. L’entrepreneur est donc exempté de l’obligation d’avoir un compte courant dédié à l’activité professionnelle.

L’ouverture d’un tel compte est cependant conseillée, dans la mesure où elle permet de séparer les fonds obtenus et utilisés dans le cadre de l’exercice de l’activité professionnelle des opérations réalisées dans la vie personnelle de l’entrepreneur.

Attention : cependant, les travailleurs indépendants ont l’obligation de créer un compte dédié à l’activité de leur entreprise si leur chiffre d’affaires dépasse 10 000€ pendant deux années civiles consécutives.

Quelle différence entre entrepreneur individuel et auto-entrepreneur ?

La micro-entreprise (ou auto-entreprise) et l’entreprise individuelle sont des régimes très similaires.

La micro-entreprise est en réalité un régime fiscal et social simplifié qui permet à une personne de créer et de gérer une entreprise individuelle de manière plus flexible et moins coûteuse. L’entrepreneur crée alors une entreprise individuelle, mais opte pour le régime simplifié de la micro-entreprise. Il bénéficie ainsi d’obligations comptables allégées et d’un régime fiscal simplifié.

Attention cependant : afin de bénéficier du régime de la micro-entreprise, il convient de ne pas dépasser certains seuils de chiffre d’affaires. Au delà, l’entrepreneur bascule vers le régime de l’entreprise individuelle. Ces seuils sont les suivants :

  • 72 600 € pour les prestations de services commerciales ou artisanales et les activités libérales
  • 176 200 € pour l’achat/la revente de marchandises, la vente de denrées à consommer sur place et les prestations d’hébergement
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