Carrefour City, Orange Bank, Transavia : de nombreuses sociétés faisant partie de notre quotidien sont en réalité des filiales. Ce type de montage juridique présente en effet de nombreux intérêts financiers, fiscaux et stratégiques. Il s’adresse aussi bien aux sociétés françaises qu’aux sociétés étrangères souhaitant implanter le marché français.
Mais de quoi s’agit-il vraiment ? Pourquoi créer une filiale ? Quelle est la procédure d’ouverture ? Afin d’y voir plus clair, Agence Juridique vous propose de faire le point sur la filiale !
La filiale : de quoi s’agit-il ?
Définition
La définition de la filiale est relativement simple : il s’agit d’une entreprise, c’est-à-dire une entité juridique distincte, dont la majorité du capital (soit plus de 50%) est détenue par une autre entreprise, la « société-mère ». La filiale fonctionne comme une entreprise indépendante, avec son propre management et sa propre stratégie, mais est soumise à une certaine influence de la société mère.
La filiale dispose de la personnalité morale : elle est donc juridiquement distincte de la société-mère. Cette personnalité morale lui permet d’avoir une dénomination sociale et commerciale propre ainsi que de disposer d’un patrimoine distinct de celui de la société mère.
La société-mère exerce cependant une forte influence sur la filiale quant à la détermination des objectifs à atteindre. La filiale dispose cependant d’une certaine liberté quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre ces buts.
Exemples de filiales en France
De nombreuses sociétés françaises optent pour le montage juridique de la filiale. En effet, de nombreuses sociétés souhaitant diversifier leurs activités détiennent des filiales. Parmi ces dernières, on trouve notamment les entreprises suivantes :
- TotalEnergies, entreprise française de production et de distribution d’énergie, dont la société mère est TotalEnergies SA. TotalEnergies possède de nombreuses filiales en France, telles que Total Raffinage France, Total Marketing France, ou encore TotalEnergies Gas & Power France.
- Carrefour, entreprise française de grande distribution, dont la société mère est le groupe Carrefour. Carrefour possède des filiales en France, telles que Carrefour Market, Carrefour Express ou encore Carrefour City.
- Orange, entreprise française de télécommunications, dont la société mère est Orange SA. Orange possède des filiales en France, telles que Orange Business Services, Orange Bank ou encore Orange Studio.
- Air France-KLM, entreprise française de transport aérien, dont la société mère est Air France-KLM SA. Air France-KLM possède des filiales en France, telles que Hop !, Transavia France ou encore Joon.
- Sanofi, entreprise française de l’industrie pharmaceutique, dont la société mère est Sanofi SA. Sanofi possède des filiales en France, telles que Sanofi Pasteur, Sanofi Genzyme ou encore Sanofi Consumer Healthcare.
Comment fonctionne une filiale ?
Si une filiale fonctionne comme une société indépendante, elle reste soumise au contrôle de la société-mère. Explications.
Une certaine indépendance juridique
La mère et la fille sont toutes deux dotées d’une personnalité juridique distincte de sorte que les patrimoines sont en principe séparés.
La société mère ne peut donc être tenue des dettes contractées par sa fille. Ainsi, en tant que société, la filiale dispose de ses propres biens, agit en son nom propre et possède en principe son propre organe de direction.
Il est néanmoins possible de nommer comme dirigeant la société mère. Dans ce cas, la mère aura la faculté de représenter sa fille à l’égard des tiers et de conclure des actes au nom et pour le compte de cette dernière. La société mère cumulera le pouvoir de direction avec le pouvoir propre aux actionnaires, elle disposera en quelques sortes des pleins pouvoirs.
Toutefois, pour maintenir cette séparation des patrimoines, les deux sociétés doivent effectivement se comporter comme des entités distinctes (séparation des comptes, des biens, du personnel etc…). Il ne faut pas qu’il soit possible d’établir une quelconque confusion des patrimoines. À défaut, en cas de procédure collective (lorsque la filiale ou la mère sont incapables de rembourser leur créanciers), la mère peut être tenu de combler le passif de la fille ou réciproquement. On parle alors d’extension de procédure collective.
Un contrôle par la société mère
Les actions ou parts sociales détenues par la mère lui donnent au minimum la majorité au sein de l’assemblée générale. En fonction de son poids dans le capital, elle disposera de plus ou moins de pouvoirs propres à l’assemblée générale. Parmi les pouvoirs de cet organe, on peut notamment citer :
- L’approbation des comptes et l’affectation du résultat (distribution ou non du bénéfice distribuable sous la forme de dividendes), dont la décision est prise en assemblée générale ordinaire exigeant en principe une majorité simple des votes
- La modification des statuts, qui résulte d’une décision prise en assemblée générale extraordinaire. Selon les statuts et le type de société, la majorité requise est en principe renforcée (⅔ ou ¾ des voix).
Ainsi, la mère possédant plus de 50% des actions ou parts sociales, peut au minimum statuer discrétionnairement sur les décisions d’assemblée générale ordinaire (approbation des comptes, affectation des résultats à savoir distribution des bénéfices ou mise en réserve) ou sur certaines décisions d’assemblée générale extraordinaire si la mère dispose d’une majorité plus forte ou que les statuts abaissent la majorité requise à 50% des voix.
Quelle différence entre succursale et filiale ?
La principale différence entre une succursale et une filiale est la relation de propriété et de contrôle entre la société-mère et l’entité :
- Une succursale est une extension de la société-mère, souvent située dans un autre pays ou une autre région. Elle est considérée comme une partie intégrante de l’entreprise d’origine, avec un seul conseil d’administration et une seule comptabilité. Les succursales sont souvent utilisées pour fournir des services locaux ou pour étendre les activités de l’entreprise dans une nouvelle région. La succursale ne dispose pas d’une personnalité morale propre : elle ne possède pas de patrimoine distinct de celui de la société mère, de biens propres, de dénomination distincte, de capital etc…
- Une filiale est une entreprise indépendante qui est détenue majoritairement par la maison mère. La filiale a sa propre comptabilité, son propre management et son propre conseil d’administration. La société mère exerce une influence significative sur la filiale, mais elle n’est pas considérée comme faisant partie intégrante de la société mère. La filiale dispose de la personnalité morale : c’est donc une entité à part entière, juridiquement distincte de la société-mère. Ainsi, la filiale dispose d’une dénomination propre, d’un patrimoine distinct, de biens propres etc…
Pourquoi créer une filiale ? Quel intérêt de créer une filiale ?
Créer une filiale présente de nombreux avantages
Intérêt stratégique
En créant une filiale, une entreprise peut diversifier ses activités, étendre sa gamme de produits ou de services, ou encore acquérir de nouvelles compétences pour s’adapter à l’évolution du marché.
La création d’une filiale permet en effet la sectorisation, ou le cloisonnement des diverses activités exercées : on affecte à chaque filiale une activité bien précise. Par exemple, la filiale Orange Bank du groupe Orange propose des services bancaires. La filiale peut donc développer une image de marque forte et identifiable, avec une identité bien distincte de celle de la société-mère. On structure alors le groupe en gérant le développement de ses activités.
Bon à savoir : la filiale est également une bonne solution lorsque les risques d’implantation sont importants. En effet, la société-mère n’est pas responsable des conséquences en cas de contentieux et de litiges, de perte, ou de liquidation de la filiale.
Intérêt fiscal
En créant une filiale en France, une société-mère bénéficie d’avantages fiscaux importants. Elle peut opter pour le régime de l’intégration fiscale ou le régime mère-fille :
- Le mécanisme de l’intégration fiscale consiste à mutualiser les résultats fiscaux de toutes les sociétés issues du même groupe. On fait alors la somme des résultats de toutes ces sociétés. Il est alors possible d’imputer les pertes subies par certaines filiales sur le bénéfice total. On parle alors de bénéfice consolidé, qui sera la base du calcul de l’impôt sur les sociétés. Cela permet de réduire l’assiette imposable.
- Le régime mère-fille, quant à lui, permet d’éviter la double imposition sur les dividendes. La filiale est imposée à l’IS avant la redistribution des dividendes. C’est la société-mère qui est imposable sur ces dividendes, à un taux très réduit de 5% du montant des dividendes perçus. Sans ce régime spécial, la société-fille serait imposée, puis la société-mère.
Intérêt financier
En créant une filiale, la société-mère développe son activité. Cela lui permet de réaliser des économies d’échelle sur l’achat de fournitures ou de matériaux. En mutualisant certaines fonctions, on peut réduire les charges supportées par l’ensemble du groupe : ressources humaines, comptabilité, développement de systèmes d’information internes etc…
Comment créer une filiale d’une entreprise étrangère en France ? La procédure d’ouverture
Étape 1 : Choisir la forme juridique de votre filiale
Pour créer une filiale en France, il est impératif de créer une société de droit français. Le choix de la forme juridique est très important : c’est cet élément qui déterminera l’étendue de la responsabilité du gérant/associés en cas de difficultés financières, le régime fiscal de la société, les règles de fonctionnement, le régime social des associés et dirigeants etc…Cette décision doit donc faire l’objet d’un processus de réflexion abouti. Il est recommandé de se faire assister par un professionnel : avocat, expert-comptable etc…
Plusieurs formes sociales sont disponibles. Tout dépend en réalité du projet de la société-mère pour la filiale et des activités exercées :
- La SA est une forme sociale adaptée aux projets de grande envergure employant de nombreux salariés et dont le capital est important
- La SAS offre une grande souplesse de fonctionnement (fonctionnement flexible, pas de capital minimum) ainsi qu’une fiscalité relativement avantageuse. Les associés bénéficient d’une grande liberté.
- La SARL est adapté aux projets plus modestes. Elle permet aux associés de voir leur patrimoine personnel protégé en cas de difficultés financières de l’entreprise : les créanciers ne peuvent recouvrir leurs créances qu’à hauteur des apports réalisés. Les biens des associés sont dont protégés.
- La société civile est adaptée aux projets immobiliers.
- La société en nom collectif (SNC) protège les associés contre les prises de participation d’un tiers car les cessions de parts nécessitent l’accord unanime des associés. Ses obligations comptables sont allégées, puisqu’il s’agit de la seule forme de société non soumise à publication de ses comptes.
Étape 2 : Rédiger les statuts
Une fois la forme juridique de la société déterminée, les associés doivent procéder à la rédaction des statuts de la filiale. Ces derniers visent à fixer les règles de fonctionnement de la société. Conformément à l’article 1835 du Code civil, les mentions obligatoires suivantes devront y figurer :
- La forme juridique
- Les apports (en nature ou en numéraire) de chaque associé
- L’objet social
- La dénomination sociale
- L’adresse du siège social
- Le montant du capital social
- La durée de vie de la société
Étape 3 : Publier un avis de création dans un journal d’annonces légales
La troisième étape consiste à informer les tiers de la création de la filiale. Pour ce faire, les associés devront procéder à la publication d’un avis de création au journal d’annonces légales dont dépendra le siège social de la société en formation.
De plus, les mentions obligatoires suivantes devront figurer dans l’annonce légale :
- La nature des statuts (acte authentique ou acte sous seing privé)
- La date de signature des statuts
- La dénomination sociale
- La forme juridique
- L’adresse du siège social
- Le montant du capital social
- L’objet social
- La durée de vie de la société
- L’identité du ou des gérant(s)
- Les modalités de cession des parts sociales
- L’identité du signataire de l’annonce
- Le RCS où sera immatriculée la société
Attention : A l’issue de la publication de l’annonce, une attestation de parution au JAL sera remise au gérant. Ce document est à conserver soigneusement car il sera indispensable à la constitution du dossier d’immatriculation de la société.
Étape 4 : Réaliser les formalités en ligne auprès du Guichet Unique des entreprises
La dernière étape consiste à réaliser les formalités de déclaration auprès du Guichet Unique.
Bon à savoir : depuis le 1er janvier 2023, il n’est plus possible d’effectuer vos démarches auprès du Centre de formalités des entreprises (CFE) compétent. Vous devez obligatoirement les réaliser sur le site internet du guichet des formalités des entreprises, qui devient la plateforme unique de réalisation des formalités d’entreprise (création, modification, fermeture etc…).
Pour réaliser les formalités de création de votre société via le Guichet Unique, rendez-vous à l’adresse suivante : https://formalites.entreprises.gouv.fr/
Si vous avez un compte Guichet Unique, il vous sera simplement nécessaire de vous connecter afin d’accéder à votre espace personnalisé. Si vous n’avez pas encore de compte utilisateur, il sera nécessaire d’en créer un afin d’accéder à l’environnement sécurisé de dépôt des pièces et de gestion des formalités.
Une fois votre société immatriculée, vous recevrez votre extrait Kbis : véritable carte d’identité de votre entreprise, il s’agit d’une preuve de l’existence de la société.
Quel est le régime fiscal d’une filiale ?
En principe, les sociétés commerciales classiques sont redevables de l’impôt sur les sociétés calculé à partir du bénéfice brut réalisé. Un des objectifs de la filiale est de faire remonter les bénéfices de cette dernière à la société mère sous la forme de dividendes. Or, les bénéfices vont dès lors subir un double niveau d’imposition :
- dans la société fille avant versement des dividendes
- dans la société mère puisque les dividendes perçus constituent un produit taxable
Ainsi, pour éviter ce mécanisme désincitatif, il existe en France le régime de l’intégration fiscale ou le régime mère-fille.
Option 1 : Le régime fiscal de groupe des sociétés
L’intégration fiscale est un régime fiscal spécifique sur option qui consiste à consolider les résultats fiscaux de toutes les sociétés issues d’un même groupe. Grossièrement, il s’agit de faire la somme de tous les résultats des sociétés du groupe et de calculer l’impôt à partir de cette somme. Outre éviter le mécanisme de double imposition, l’intégration fiscale permet d’imputer les déficits de certaines filiales sur les bénéfices d’autres diminuant ainsi l’impôt à payer.
Pour bénéficier de ce régime sur option, il faut remplir certaines conditions à savoir :
- la mère et les filiales doivent être soumises à l’IS (impôt sur les sociétés) et imposables en France
- les exercices comptables doivent avoir la même date de clôture
- la société mère ne doit pas être détenu à plus de 95% par une autre personne morale soumise à l’IS
- la ou les filiales sont détenues à plus de 95% par la société mère
Option 2 : Le régime mère-fille
Ce régime permet d’exonérer de l’impôt sur les revenus les dividendes reçus par la société mère de sa filiale.
Ce régime applicable sous option exige notamment que la mère :
- soit soumise à l’IS
- détienne au moins 5% du capital social de la filiale
- les actions ou parts sociales doivent être détenues au minimum pendant 2 ans